jeudi 17 mars 2016

JE SUIS LA LUMIERE DU MONDE







Cette citation est la phrase introductive de la longue péricope de Jean 8-12 ,59. Jésus est la Lumière qui gouverne le monde et le conduit comme la colonne de feu guidait les hébreux dans le désert.
C’est un thème récurrent de la tradition religieuse ou spirituelle, le « fiat lux » qui illumine l’ensemble de du chaos de ses possibilités ». Métaphore de tout ce qui éclaire l’esprit :René Huygues disait du Greco «  il travaillait dans un atelier obscur car la lumière du jour troublait sa lumière intérieure ».[1]De très nombreux texte du talmud font de la lumière le symbole de la Loi. Sur la symbolique de la lumière, René Guenon note « la Lumière ( Aor) jaillit du mystère de l’éther (Avir).Le point caché fut manifesté, c’est à dire la lettre iod »[2].Ce thème est fréquemment traité par Guenon dans plusieurs  chapitres de « symboles de la science sacrée » [3]. Dans le dictionnaire des symboles de Chevalier et Gheerbrant[4] sont évoquées les différentes traditions spirituelles qui font référence à ce théme (Hindouiste, bouddhiste, islamique, taoïste, et bien sur mazdéenne.) Mais il  suffit de relire Mircea Eliade  pour voir combien les cosmogénèses et les traditions se sont appropriées cette donnée. Songeons à Akhénaton.
Dans l’initiation aux mystères de Mithra une lampe symbolisait la lumière nouvelle. A Qumran les Fils de la lumière s’opposaient aux fils des ténèbres comme dans nombre de traditions gnostiques. Dans la franc-maçonnerie occidentale la montée des ténèbres de l’impétrant vers la lumière est une thématique classique qui est reprise de ces  différentes traditions initiatiques. Sut le même thème la lumière frappe le mystique avec violence comme Saint Paul .L’exemple le plus célèbre est celui de Jacob Boehme qui fut frappé par le lumière se réfléchissant dans un pot d’étain :il en eut en quelques secondes la révélation que l’Etre divin se serait engendré lui même dans les profondeurs en se reflétant dans le miroir de la sagesse, Sophia, dont le sens contiendrait le mystère de la nature androgyne de Dieu. Pour Boehme quand l’être humain qui voit dans le monde un reflet divin s’engage sur les sept degrés de la sagesse il devient au terme de sa démarche un être de lumière.
Comme il est écrit dans la sourate 24  « Allah est la Lumière des cieux et de la Terre »[5]. Mais assez curieusement je trouve que ce thème figure peu dans la cosmogénèse grecque : Thalès attribue tout à l’eau ; Anaximène, à l’air ; Zénon, au feu ; Épicure aux atomes. Dans la création du monde par exemple Platon confère au demiurge le soin d’ordonner le chaos  constitué par les éléments que sont le  feu et l la terre [6]
Pour en revenir a l’exégèse biblique juive, Elohim dit « que la lumière soit, et la lumière fut » (Gn1,3) :il n’y a pas de hiatus entre ce qui est dit et ce qui est fait ( parole performative) car la  parole divine est transparente contrairement à la parole humaine qui n’est pas pure, voilée par le péché ( ou l’inconscient ce qui d’un certain point de vue n’et peut être pas très diffèrent). La lumière évoquée ici) qui est celle du Christ- n’est pas une lumière physique (les luminaires ne seront crées que le quatrième jour) mais une lumière spirituelle hors du temps . Selon le Midrash cette lumière crée le premier jour n’est pas restée dans le monde qui n’a pas su la retenir . Trop violente pour les hommes elle « fut » et n’est plus.

Le thème  de la lumière est invoquée dans 108 passages de L’Ancien Testament  et 63 versets du Nouveau Testament.
Jean est très familier de cette utilisation « Pendant que vous avez la lumière, croyez en la lumière, afin que vous soyez des enfants de lumière ». (Jean 12, 36)  « Car quiconque fait le mal hait la lumière, et ne vient point à la lumière, de peur que ses oeuvres ne soient dévoilées »(Jean3 , 20)  « Jésus leur dit : La lumière est encore pour un peu de temps au milieu de vous. Marchez, pendant que vous avez la lumière » (Jean 13, 25) Mais on la trouve aussi dans les Actes de Luc ,dans les synoptiques et les Epîtres « Et cela n'est pas étonnant, puisque Satan lui-même se déguise en ange de lumière. » (2 corinthiens 11, 14)

Ce thème fournit des développements nombreux dans les commentaires juifs et est aussi abondamment traité dans l’Eglise catholique aux plans symbolique, évangélique, liturgique, et même pastoral mais pourtant cela fournit  à ma connaissance peu de développement théologique ou christologique. Par exemple (même si je concède que c’est un peu anecdotique) « Lumen Gentium » ( la lumière des Nations) dont le titre est évocateur et qui est une des quatre encycliques conciliaires de Vatican II débute ainsi : «  Le Christ est la lumière des peuples ; réuni dans l’Esprit Saint, le saint Concile souhaite donc ardemment, en annonçant à toutes les créatures la bonne nouvelle de l’Évangile répandre sur tous les hommes la clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l’Église (cf. Mc 16, 15) » Et ensuite pendant huit chapitres et 139 pages il n’est plus question de la lumière ! Comme si ce thème devait rester métaphorique alors que l’Eglise se veut le reflet du Christ comme la lune reflète le soleil ( la citation exacte est dans Augustin)





[1] René Huygue L’art et l’âme V1 Flammarion 1960
[2] R Guenon le symbolisme de la croix. Guy Tredaniel « les directions de l’espace ». Page 33

[3] R Guenon Symboles de la science sacrée NRF .Gallimard .Chapitres 12 , 16, 51
[4] J Chevalier A Gheerbarndt Dictionnaire  des symboles  Robert Laffont article « lumière » page 465
[5] Sourate 24 (An Nur La lumiere ) « Allah est la Lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un (récipient de) cristal et celui-ci ressemble à un astre de grand éclat; son combustible vient d'un arbre béni : un olivier ni oriental ni occidental dont l'huile semble éclairer sans même que le feu la touche. Lumière sur lumière. Allah guide vers Sa lumière qui Il veut. Allah propose aux hommes des paraboles et Allah est Omniscient »