Cette
citation est la phrase introductive de la longue péricope de Jean 8-12 ,59.
Jésus est la Lumière qui gouverne le monde et le conduit comme la colonne de feu
guidait les hébreux dans le désert.
C’est
un thème récurrent de la tradition religieuse ou spirituelle, le « fiat
lux » qui illumine l’ensemble de du chaos de ses possibilités ». Métaphore
de tout ce qui éclaire l’esprit :René Huygues disait du Greco « il travaillait dans un atelier
obscur car la lumière du jour troublait sa lumière intérieure ».[1]De
très nombreux texte du talmud font de la lumière le symbole de la Loi. Sur la
symbolique de la lumière, René Guenon note « la
Lumière ( Aor) jaillit du mystère de l’éther (Avir).Le point caché fut manifesté,
c’est à dire la lettre iod »[2].Ce
thème est fréquemment traité par Guenon dans plusieurs chapitres de « symboles de la science sacrée » [3].
Dans le dictionnaire des symboles de Chevalier et Gheerbrant[4]
sont évoquées les différentes traditions spirituelles qui font référence à ce
théme (Hindouiste, bouddhiste, islamique, taoïste, et bien sur mazdéenne.) Mais
il suffit de relire Mircea Eliade pour voir combien les cosmogénèses et les
traditions se sont appropriées cette donnée. Songeons à Akhénaton.
Dans
l’initiation aux mystères de Mithra une lampe symbolisait la lumière nouvelle.
A Qumran les Fils de la lumière s’opposaient aux fils des ténèbres comme dans
nombre de traditions gnostiques. Dans la franc-maçonnerie occidentale la montée
des ténèbres de l’impétrant vers la lumière est une thématique classique qui
est reprise de ces différentes
traditions initiatiques. Sut le même thème la lumière frappe le mystique avec
violence comme Saint Paul .L’exemple le plus célèbre est celui de Jacob Boehme qui
fut frappé par le lumière se réfléchissant dans un pot d’étain :il en eut
en quelques secondes la révélation que l’Etre divin se serait engendré lui même
dans les profondeurs en se reflétant dans le miroir de la sagesse, Sophia, dont
le sens contiendrait le mystère de la nature androgyne de Dieu. Pour Boehme
quand l’être humain qui voit dans le monde un reflet divin s’engage sur les
sept degrés de la sagesse il devient au terme de sa démarche un être de
lumière.
Comme
il est écrit dans la sourate 24 « Allah est la Lumière des cieux et de
la Terre »[5].
Mais assez curieusement je trouve que
ce thème figure peu dans la cosmogénèse grecque : Thalès
attribue tout à l’eau ; Anaximène, à l’air ; Zénon, au feu ; Épicure aux
atomes. Dans la création du monde par exemple Platon confère au demiurge le
soin d’ordonner le chaos constitué par
les éléments que sont le feu et l la
terre [6]
Pour
en revenir a l’exégèse biblique juive, Elohim dit « que la lumière soit,
et la lumière fut » (Gn1,3) :il n’y a pas de hiatus entre ce qui est
dit et ce qui est fait ( parole performative) car la parole divine est transparente contrairement à
la parole humaine qui n’est pas pure, voilée par le péché ( ou l’inconscient ce
qui d’un certain point de vue n’et peut être pas très diffèrent). La lumière évoquée
ici) qui est celle du Christ- n’est pas une lumière physique (les luminaires ne
seront crées que le quatrième jour) mais une lumière spirituelle hors du temps
. Selon le Midrash cette lumière crée le premier jour n’est pas restée dans le monde
qui n’a pas su la retenir . Trop violente pour les hommes elle
« fut » et n’est plus.
Le thème
de la lumière est invoquée dans 108 passages
de L’Ancien Testament et 63 versets du Nouveau
Testament.
Jean est
très familier de cette utilisation « Pendant que vous avez la
lumière, croyez en la lumière, afin que vous soyez des enfants de lumière ». (Jean 12, 36) « Car quiconque fait le mal hait la lumière, et ne vient point à la
lumière, de peur que ses oeuvres ne soient dévoilées »(Jean3 , 20) « Jésus leur dit : La lumière est
encore pour un peu de temps au milieu de vous. Marchez, pendant que vous avez
la lumière » (Jean 13, 25) Mais on la trouve aussi dans les Actes de
Luc ,dans les synoptiques et les Epîtres « Et
cela n'est pas étonnant, puisque Satan lui-même se déguise en ange de
lumière. » (2 corinthiens 11, 14)
Ce
thème fournit des développements nombreux dans les commentaires juifs et est
aussi abondamment traité dans l’Eglise catholique aux plans symbolique, évangélique,
liturgique, et même pastoral mais pourtant cela fournit à ma connaissance peu de développement
théologique ou christologique. Par exemple (même si je concède que c’est
un peu anecdotique) « Lumen Gentium » ( la lumière des Nations)
dont le titre est évocateur et qui est une des quatre encycliques conciliaires de
Vatican II débute ainsi : « Le Christ est la lumière des peuples ; réuni dans
l’Esprit Saint, le saint Concile souhaite donc ardemment, en annonçant à toutes
les créatures la bonne nouvelle de l’Évangile répandre sur tous les hommes la
clarté du Christ qui resplendit sur le visage de l’Église (cf. Mc 16, 15) » Et ensuite pendant
huit chapitres et 139 pages il n’est plus question de la lumière ! Comme
si ce thème devait rester métaphorique alors que l’Eglise se veut le reflet du
Christ comme la lune reflète le soleil ( la citation exacte est dans Augustin)
[1] René Huygue L’art et l’âme V1 Flammarion 1960
[2] R Guenon le
symbolisme de la croix. Guy Tredaniel « les directions de
l’espace ». Page 33
[3] R Guenon Symboles
de la science sacrée NRF .Gallimard .Chapitres 12 , 16, 51
[4] J Chevalier A Gheerbarndt Dictionnaire
des symboles Robert Laffont
article « lumière » page 465
[5] Sourate 24 (An Nur La lumiere ) « Allah
est la Lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est semblable à une niche
où se trouve une lampe. La lampe est dans un (récipient de) cristal et celui-ci
ressemble à un astre de grand éclat; son combustible vient d'un arbre béni : un
olivier ni oriental ni occidental dont l'huile semble éclairer sans même que le
feu la touche. Lumière sur lumière. Allah guide vers Sa lumière qui Il veut.
Allah propose aux hommes des paraboles et Allah est Omniscient »