Université
de Provence
Colloque
du 26 et 27 mai 2000
L’EVALUATION
DE LA MONDIALISATION A L’ETHIQUE
Conférence de Noël IMBERT-BOUCHARD
L’ECONOMIQUE ET LE SACRE
(Dans notre
société l’économique et le sacré ont ils
quelque chose à échanger ?
(des attitudes
individuelles sont elles propices à cet échange ? des démarches
collectives constituent elles des liens avec le sacre sacré dans la cité ou
l’entreprise ? Pour quelle éthique dans la
mondialisation ? L’innovation constitue t elle un terreau fertile de
rapprochement ?Quelle évaluation faire
de ces liens??
1) le réel et le vrai
Le réel est
sujet à et objet de caution
Existez
vous ? Etes vous bien réels ou n’êtes vous que le produit de mon
imaginaire ? Les idéalistes comme Schelling soutiennent
que le monde existe par une conscience qui le pense. C’est en quelque
sorte la condition nécessaire à son existence. La meilleure formulation de l'idéalisme
a été donné par Berkeley "l'être est l'être perçu" Ainsi si je
venais à disparaître tout cesserait d’exister. N’a t’on pas souvent évoqué le
suicide comme volonté moins de se supprimer que de supprimer le monde ? Je
ne veux pas vous laisser plus longtemps dans cette insupportable incertitude
existentielle : « je » vous rassure ; « vous »
existez indépendamment de moi. Vous n’êtes pas seulement des créations de mon
esprit. Vous faites partie du réel comme j’en fais partie. Ce qui est illusoire
en revanche, c’est la représentation que je me forge du réel. L’illusoire, ce n’est pas « vous »
mais l’image que j’ai de vous. L’illusoire est moins le réel que l’idée que je
m’en fais. C’est « je » qui emprisonne les autres dans les
mailles de son filet à objet. C’est toujours un « pour soi » que je
projette et non un « en soi » que je tente d’incorporer. Et nous faisons
tous de même tentant sans cesse de jeter sur les autres nos filets à illusions tout en
tentant d’échapper aux leurs. C’est l’épisode Sartrien de ma liberté qui se referme
sur cet enfer que sont les autres. Comme l’écrit Sartre vous m’imposez votre déterminé
dans lequel je suis sommé d’entrer et
qui me fait perdre ma liberté.
Si
même le réel que l’on tient pour le plus assuré par le sens le plus commun peut
être mis en cause qu’est ce que la vérité?
La vérité est une histoire et un construit
Trois
grandes approche du concept peuvent être combinées
la vérité personnifiée.
Dans
le monde médiéval latin, a personnalisation de la vérité est fondée sur des
textes scripturaires dont le plus célèbre est celui de l’évangile de Jean (Ch14,Verset 6) « Je suis le
Chemin, la Vérité et la Vie ;personne ne vient au Père que par moi ».
Au moyen age Vérité désigne Dieu en général
La vérité comme adéquation
Lorsqu’on
traite de la réalité des choses (on revient donc au concept du réel) on voit en
la Vérité suprême sa caution exclusive. Chez saint Anselme, la Vérité est
d’abord la rectitude c’est à dire le rapport juste entre le signe et l’objet
réel .La vérité de la proposition réside dans son devoir de rectitude. Pour
employer une image le vrai terrestre
devient en quelque sorte une image, un reflet de la Vérité céleste.Saint Thomas
D’Aquin distingue le vrai de la vérité. Pour lui le vrai est deviné
intuitivement par les sens. La vérité en revanche est la conformité des choses
avec les Idées divines (même approche chez Aristote).
La
vérité dialectique
La
distinction du vrai et du faux ,et notamment la distinction entre sujet
connaissant et objet connu (qui était mon sujet introductif) va conduire à
Descartes, puis au-delà à la logique formelle
et à l’épistémologie générale .Le vrai est ce qui relève de la logique
interne d’un discours
hypothético-déductif. Les sciences dîtes exactes ont une prétention a
rendre compte du monde : « Dieu est une hypothèse dont je n’ai
pas eu besoin »
Ainsi s’opère ce que je considère comme un glissement progressif dans l’occident
monothéiste entre trois stades progressif de la vérité humaine mise en
rapport avec l’affranchissement (ou l’aliénation)de la liberté de l’homme (car
évidemment les deux conquêtes entrent dans des rapports
simultanés) :suivant l’époque on croit, on interprète ou l’on crée. On
croit : Dieu Est et Il est la Vérité (donc on obéit à Dieu ou à celui
qui sait ce que Dieu veut, en l’occurrence l’église). On interprète : la
vérité est le rapport d’exactitude entretenu entre la chose vraie et la
Vérité suprême (donc on interprète notamment les lois de la Nature). On crée : la
conception et la validation s’opère à
l’intérieur d’un système de références déterminé et accepté ; système qui
peut être remplacé par un autre sans pour autant perdre de sa pertinence.
Si
la vérité est un concept qui a une histoire elle est également un
chantier :elle se bâtit individuellement et collectivement. Elle se saisit
d’elle même dans le mouvement même qui lui pet de s’incarner. Je
citerai trois exemples de construction qui viennent en appui du schéma
conceptuel (sommaire, lacunaire et contestable à bien des égards que je développe ici).
La
vérité symbolique
Chez Jung. In
« La vie symbolique ».Psychologie et vie religieuse (Albin
Michel)page 65.
L’exemple que je vais vous citer m’a profondément
et durablement marqué.
Les
indiens Pueblo croient que leur prière quotidienne aide le soleil à se lever
(j’ai trouvé la même croyance chez les Navaho).Ils trouvent dans cet exercice
rituel leur harmonie individuelle et sociale. Jung soigne une patiente
occidentale névrosée qui ne sait ce qu’elle cherche. Et Jung de considérer
que si seulement elle pouvait prier sa mère la lune pour l’aider à se
lever elle serait heureuse. Elle pratiquerait une activité symbolique. Elle
vivrait en harmonie. « Avoir le sentiment de mener une vie symbolique,
d’être un acteur du drame divin, donne à l’être humain la paix
intérieure »Elle n’a pas compris que la vérité c’est ce qui rend heureux.
La vérité scientifique
Le
plus court chemin d’un point à un autre est la ligne droite ; la
perpendiculaire et le niveau servent à construire un bâtiment dont toutes les
perpendiculaires à la surface du sol seront des parallèles. Mais pour aller en
avion de Paris à Tokyo c’est la courbe qui sera le chemin le plus court et les
perpendiculaires à la surface du globe ne seront plus parallèles mais se
rejoindront au centre de la terre. Dans l’espace d’autre règles vont présider à
la mesure des distances et au sein de la matière les principes classiques de
détermination et de causalité seront
inopérants. Pourtant l’homme est le même :c’est son rapport à l’échelle et
au temps qui change. Tout devient vrai ou faux en fonction du besoin que l’on
en a. Le vrai est ce qui est utile.
La vérité
dialectique
Chez Althusser
.In « Pour Marx » Maspéro .
Althusser
pose la question de la vérité à travers l’œuvre de Marx même s’il ne la formule
pas de cette manière. Il met en place une critériologie qui ne répond pas
seulement à une chaîne hypothético-déductive mais également aux interrelations
entre cette chaîne et l’environnement qui la constitue et sur lequel elle
rétroagit. Une analyse que je qualifierai de philosophico-systémique. Or il
trouve une période de l’œuvre de Marx (après les écrits de jeunesse vers 1846)
à partir de laquelle Althusser considère que ces critères sont remplis par
l’auteur. C’est la fameuse « coupure épistémologique ». Première
conclusion :avant cette coupure Marx était un philosophe c’est à dire un
littérateur, après il devient un scientifique. Deuxième conclusion :le
marxisme est une science et suit à ce titre la loi d’évolution des sciences.
Troisième conclusion qu’apporteront d’autres commentateurs :Marx sonne le
glas de la philosophie qui ne peut plus être après lui qu’une branche morte de
la pensée humaine ;le marxisme est bien un horizon indépassable de la
pensée humaine. Une vraie rencontre de
troisième type :la vérité dialectique.
La
vérité est ce qui rend heureux, ce qui sert ,ce qui fait science. Elle est
relative et absolue. Relative car liée à l’expérience vérité
psychanalytique vérité esthétique etc
Mais
absolue car ce ne sont pas des points de vue différents de même nature et de
même validité qui « co-existent » mais des vérités différentes.
Unique dans son essence qui est le désir de la chercher et multiple dans son
expression et sa réalité.
2ème partie : le sacré
Qu’est ce que le
sacré ?
Le
sens le plus courant du sacré vient de « sacer »,en latin ce qui
sépare. Le sacré sépare le monde en deux comme le symbole(toujours pour mieux
le réunifier). Dès le paléolithique on trouve les traçes d’une culture
symbolique et sacrée. Pour indiquer l’acte de manifestation du sacré Mircea
Eliade propose un terme : la Hierophanie.(manifestation du Hieros).Dans la
hiérophanie trois éléments sont en
présence : l’homme, l’intermédiaire( pierre, totem, livres, temples,
rituels etc…) et le divin ( le tout autre, le transcendent) C’est donc
l’intermédiaire qui va être le sujet observable entre l’immanent et le
transcendent)
A)La
gestion collective du sacré ( par le symbole, le mythe, le rite, l’espace, le
temps)
c’est à dire par des dispositifs méthodologiques à caractère permanents.
Le symbole
Pour Jung déjà cité seule l’existence symbolique
permet à l’homme de tenir un rôle en tant qu’acteur du drame divin de
l’existence(ce que le rationnel n’épuise pas)
Chez Mircea Eliade le "symbolisme est une
donnée immédiate de la conscience totale"[1] un peu à la manière me
semble-t-il dont temps et espace sont des catégories a priori de l'entendement
chez Kant. Mais ce symbole ne peut être vécu pleinement que si l'homme se place
au centre de lui-même et ce centre de lui même est en même temps le centre de
l'univers. Le
symbole est un trait d'union entre notre conscience claire d'une part, notre
inconscient (collectif ou individuel) d’autre part et enfin notre
"surconscient" que l'on peut assimiler à l'appel de l'entièreté. Le symbole est un pont.
Le Mythe
Le mythe est une histoire vraie (pour ceux qui la vivent),
sacrée et exemplaire qui fournit à l'homme des modèles. Les mythes d'origine
racontent une création : c'est un récit par lequel un groupe d'hommes
"dit" sa relation avec la transcendance.Un mythe fondateur se souche
presque toujours sur un autre mythe antérieur, lui même souché sur un
troisième, etc. Il y a en quelque sorte une "mythogénése"permanente
ou si l'on préfère un même mythe repris sans cesse dans chaque Tradition sacrée
et peut-être le même mythe (ou les mêmes souches mythiques) d'une Tradition à
l'autre remontant à une Tradition Première. En répétant ce mythe, en le
vivifiant, l'homme reste dans la conscience du divin et son action prend les
dimensions d'une conscience du sacré.
Le Rite
Mais pour actualiser ce mythe et le conserver, il faut le
jouer : c'est notamment le rôle du rite. Les différents rites (rites de
puberté, rites initiatiques, rites militaires) ont pour fonction de vivifier le
mythe, de le faire vivre et le cas échéant de le renouveler.
Ainsi, le rite permet à l'acteur de s'agréger
symboliquement, puis réellement à une ronde des étoiles dont le derviche
tourneur fait partie. Cette thérapie collective, cette régression sacrée fait
revivre l'origine et revivre le monde.
Symboles, mythes et rites s’articulent ensemble dans
une même logique. René Guenon a dit du rite qu’il «était du symbole en
mouvement». Cette dynamique du sacré prend corps dans un temps et un espace
spécifiques.
L
|
'espace sacre
Dans
une société de la Tradition, la première condition de sacralisation du monde est
l'établissement d'un "espace sacré". L'organisation et la
compréhension de l'univers imposent d'homogénéiser l'incohérence et le chaos
pour les rendre lisibles et compréhensibles. Toute saisine du réel, impose une
taxonomie. La taxonomie du sacré permet d'opérer le classement entre le profane
et le sacré en établissant entre les deux une séparation, une frontière. Aussi
le dégagement d'un espace particulier possédant son homogénéité au milieu de
l'espace indéfini et informe, est le premier acte fondateur. Pour vivre dans le
monde sacré il faut le fonder ; personne ne peut vivre dans le chaos de
l'homogénéité et de la relativité de l'espace profane. En limitant la
profondeur de son champ de vision, il est possible à l’homme de mieux examiner
les détails, d'ordonner les choses et de créer un espace familier.
Le temps sacré
Le temps est-il
une ligne tendue vers un but à atteindre ou est ce une roue eternelle sans
début ni fin ?
Dans les textes les plus anciens de l'Inde (Les Vedas/Le
savoir) datés d'environ 1500 avant notre ère le temps est parfois comparé à la
chaîne d'un métier à tisser sur laquelle la trame des événements se dessine
indéfiniment. L'univers est toujours recommencé comme les saisons, comme le
jour succédant à la nuit.
Les Grecs
vont développer une conception proche du temps de "l'éternel retour"
: toute civilisation pour eux est condamnée à sombrer avant de renaître à
nouveau au cours de cycles cosmiques qui durent des dizaine de milliers
d'année.
Le temps judéo-chrétien est évidemment à l'antithèse de
cette conception. Le monde de la Genèse est créé une fois par toutes par
l'unique Dieu Créateur , dans un acte d'amour.
L'individu dans la tradition judéo-chrétienne, est
une "personne" aimée de Dieu et non une forme composée d'éléments
impermanents. Il n'a qu'une vie et c'est durant ce laps de temps qu'est
constitué "le chantier" par lequel l'homme va construire son
éternité.
Ces deux conceptions sont de mon point de vue d'une
importance vitale car elles constituent peut-être les deux axes fondamentaux
qui vont générer des conceptions historiques de l'homme et des sociétés
différentes. En effet, si les mythes, les rites, la pensée symbolique et la
gestion sacrée de l'espace structurent globalement l'imaginaire humain à
l'identique, ces deux conceptions du Temps (même en tenant compte de modèles
intermédiaires) évoqués ci-dessus constitue la vraie ligne de rupture entre
sociétés.
D'un coté, les sociétés "traditionnelles" sont
vouées à la reproduction des gestes et des choses, au respect des rites et du
sacré qui occupent la place prépondérante dans l'organisation sociale. Ce sont
le plus souvent des sociétés agraires ou nomades, de tradition orale : ce sont
des sociétés "froides" pour reprendre une terminologie imaginée par Levy
Strauss. Le temps, clos sur lui-même, fait d'éternel recommencement, génère une
répétition indéfinie de l'ordre des choses et le rôle du sacré est de permettre
cette perpétuation. L'avenir est dangereux s'il n'est pas répétition du passé.
Les sociétés "chaudes" en revanche, à
l'instar des sociétés occidentales, se
sont développées en permanence, à partir d'une conception linéaire du temps. Ces sociétés
judéo-chrétiennes (bien que cette assertion soit abusivement limitative) sont
celles de la Promesse et du Projet biblique et aussi celles des projets
individuels et collectifs. Elles sont en permanence tendues vers l'avenir, les
échanges , la non-répétitivité et elles
inventent sans cesse du nouveau. Ce sont des creusets en fusion, lieux de tous
les dangers et de toutes les opportunités et elles sont donc quasi
structurellement, par essence, en état de crise.[2]
B)Le vécu
personnel du sacré
L’homme
relié à lui même : la démarche verticale.
Ce que je perçois de l’essence des choses est
l’interrelation que « je »
tisse avec « elles ».D’ou l’importance extrême de connaître le
« je ».Connaissance à la base de toute démarche initiatique ou
analytique. Le connais toi même socratique ou le VITRIOL[3] alchimique. L’ « en soi » n’est
approchable que par le Travail sur la
vraie nature de mon esprit. Il faut se connaître pour connaître le monde. Les
apparences du monde phénoménal sont des projections de mon esprit, (et cet
esprit est de la même nature que les phénomènes qu’il projette). Il faut tenter
de devenir ce que l’on contemple. Non seulement dans une perspective
phénoménologique (c’est à dire d’appréhension des interrelations se nouant
entre moi même et l’objet )mais dans une
perspective ontologique (mon être s’identifie à l’autre être, le comprend au
sens latin de con-prendere « prendre avec soi-même ».
L’homme relié à l’autre :la démarche horizontale.
Approfondir
les lien qui me relient à l’autre c’est une autre façon de se découvrir soi
même. Toutes les traditions spirituelles privilégient ce lien. (par l’amour, le
don, le travail, le voyage)
L’homme relié au cosmos : la démarche transcendantale
C’est
ce que Mircea Eliade nomme le « tout autre », c’est le couronnement
en
quelque
sorte de cette démarche horizontale et verticale qui les lient.
Quand
nous contemplons les étoiles par une nuit claire les atomes qui les composent
sont de la même nature que ceux qui forment notre regard. C’est le mystère
presque insondable de la nature qui prend conscience d’elle même. Il se crée là
une béance dans laquelle surgit l’être
Ces
trois démarches simultanées tracent la
voie de « l’homme
relié »[4] qui a a sa disposition ces outils et ces méthodes que je viens de citer
pour le faire.
On
voit bien que globalement l’ensemble de ces instruments d’une part et cette
pratique d’autre part définissent un champ commun à toutes les grandes
traditions spirituelles (bouddhisme, christianisme, animisme etc..)
Le
débat actuel sur les sectes (non absent d’arrières pensées de la part des
tenants d’un rationalisme masqué)est bien mal posé à cet égard. La fameuse
« dérive sectaire » ne provient pas d’une entorse à la loi civile
commune (elle même bien relative )mais d’une non-régularité à l’égard de ce qui
fonde une tradition spirituelle :la gestion d’un espace et d’un temps
sacré dans lesquels sont gérés collectivement des mythes au moyen de rites et
de symboles facilitant la pratique individuelle des liens avec soi ,avec les
autres, avec le cosmos. Mais pour
pouvoir en juger sainement encore faudrait il que les commentateurs ou les
censeurs disposent du minimum de connaissances et de pratique spirituelle
permettant d’évaluer le degré de « vérité »véhiculé par une idéologie
singulière. Cette érité là ne se mesure évidemment pas à l’aune des vérités
profanes ou des tocades médiatiques. Cette capacité de jugement fait
généralement défaut . La vérité de la pratique échappe. La route de
l’inquisition est ouverte. Elle créera des martyrs médiatiques (qui pour
certains bénéficieront d’une auréole usurpée).La confusion est entière. On
perçoit bien sur ce cas d’actualité comment se resserrent et se nouent les
liens entre vérité et sacré.
La
vérité se construit. Comme le sacré qui tire sa véracité de sa pratique et
d’une forme de répétitivité. Dans cette perspective existentialiste comment
concilier le sacré qui tire sa substance de la tradition et la modernité qui
tire la sienne de la rupture.
L’innovation peut elle constituer ce trait d’union ?
3ème partie l’innovation, le sacré, la modernité.
L’innovation.
Qu’est ce qu’innover ?
Classiquement
innover c’est faire du neuf, du jamais conçu du jamais produit. Dans l’ordre de
l’entreprise l’innovation peut être de process, de produit, de technique, de
marché. Mais l’innovation relève de tous les ordres :innovation sociale,
religieuse, politique, artistique. L’innovateur est une figure de proue de
l’occident (et particulièrement de celui ci) Innover c’est aussi dire de la
vérité dans un autre registre que le registre commun Mais c’est également se
mettre en marge, en danger. Le sel vivifie mais il brûle aussi. Comme l’écrit
Thierry Gaudin [5] « Celui qui dit la vérité sera pourchassé par
les institutions , condamné par les prêtres. Ponce Pilate s’en lavera les
mains. Judas le trahira. Il sera crucifié, fera un voyage dans l’au delà et
ressuscitera. Autrement dit : toi l’inventeur, l’innovateur, toi qui ose
dévoiler la vérité à la face du monde au delà des intérêts dominants, n’attends
que des épreuves. Tous seront contre toi et même certains de tes fidèles te
ferons défaut. Tu résisteras. Les institutions te soumettront au supplice. Car
c’est la voie pour ressusciter et bâtir pour des siècles des siècles ».
L’auteur ajoute : « armé dès l’enfance d’un tel scénario, on
comprend qu’en pays chrétien l’innovateur ne se décourage pas. L’innovateur, on
l’a compris, sera toujours un paria ».
Le
lieu social par excellence de la réalisation des aspirations individuelles est
aujourd’hui celui de l’entreprise. A un point tel que certains ont fait de
celle ci l’objet d’un nouveau culte : il suffit de lire certains livres
dits de management pour le constater. Or l’entreprise point de
salut !Cette dégradation du sacré constitue une de définitons de
l’idolatrie.L’entreprise fait ele sa place au sacré ?
LL’entreprise et le sacré
J’entends par entreprise tout groupement humain qui
a pour but d’optimiser en son sein une
fonction de production et d’échange que celle –ci soit marchande ou non. C’est
donc l’expression d’un vouloir travailler ensemble. La question est :
comment repérer au milieu du champs économique et social quelques pistes qui conduisent au territoire
du sacré ?
les pistes du sacré
Premiére piste :Le travail et la création
La glorification du travail en revanche est fortement connotée par l’occident. C'est
le travail du dieu créateur qui est continué dans les champs par les paysans et
dans les constructions par le labeur des ouvriers et des maçons. Cette
mythification du travail se retrouvera jusque dans les doctrines païennes comme
le socialisme soviétique ou le national socialisme.
Dans
ce travail, l’innovateur s’approprie une parcelle du pouvoir du créateur . Il
s’identifie au porteur de la révélation il rejoue le théâtre de la création. Le
travail est sacré parce qu’il est création et il est consubstantiel à
l’innovation. Priver l’homme de travail, c’est lui enlever la possibilité
d’être un acteur symbolique du jeu du
monde. C’est lui ôter la vie spirituelle
.Rendre partout l ‘homme créateur
par le travail
Deuxiéme
piste :Le vertical, l’horizontal, le global.
Par
analogie, tous les processus d’écoutes de soi , les méthodes réflexives et
analytiques , les méthodes de gestion de projets horizontaux qui brisent les
cloisonnements , les liaisons avec l’écosphère s’apparentent à une démarche
d’ordre sacré. Il faut les repérer dans l’entreprise et les développer.La voie
du relié c’est la voie holistique.
Troiséme
piste :La pensée symbolique (la détermination, le flou, la logique non
Aristo)
Quatriéme
piste :La mythification et la ritualisation( avec en corrollaire la chasse
aux idoles)
Les mythes, les rites, les symboles, l'espace, le
temps forment un complexe global et ces éléments sont indissociables de
l'expérience individuelle et de la pratique collective du sacré. Ils
constituent une condition nécessaire mais non suffisante de la gestion sociale
du sacré. Car ils sont constitutifs également de l'anthropologie de
l'imaginaire humain et peuvent donc trouver d'autres terrains d'application que
le sacré (cf notamment les rites républicains ou les mythes sociétaux
fondateurs). La désacralisation progressive des sociétés modernes induit
parallèlement des tentatives constantes de
nouvelle ritualisation et de nouvelle mythification de la vie sociale
mais aussi la prolifération des « idoles »celle ci étant une
dégradtion de la relation sacrée dans la matiére qui n’est plu svue comme
l’intermédiation mais comme la finalité de la relation sacrée.
Cinquiéme
piste :L’espace et le temps non marchands
Le
monde moderne impose de vivre dans un espace de plus en plus désacralisé. Des
rituels profanes tentent en vain de le re-sanctifier, soit dans l'espace unifié
de la consommation généralisée et du simulacre, [6] soit dans celui d'un projet laïque ou-messianique
accoucheur d'un individu désaliéné.
C’est
aussi remettre en cause le temps de la fausse urgence.
L’essentiel se joue à coté de la raison .Le
monde est donné comme une énigme à interpréter ;un chantier à construire
mais dont les outils existent dans les grandes traditions spirituelles. Il faut
soucher l’innovation dans son véritable fondement symbolique :la
participation de l’homme à la naissance du monde.
[1] Mica Eliade "Traité d'histoire des religions"
[2] L'idéogramme chinois signifiant "crise" est l'assemblage
d'un idéogramme signifiant "opportunité "et d'un autre signifiant
"danger". Rien n'est aussi curieux que de redécouvrir périodiquement
que notre société est en "crise". C'est le contraire qui serait
étonnant!
[3] Visita Interiore Terra et Rectificando Invenies OccultemLapidem
« Visite l’intérieur de la Terre et en « rectifiant »tu trouveras
la pierre cachée
[4] Cf « questions de » 109 -Albin Michel « La
voie de l’homme relié »
[5] Thierry Gaudin « Préliminaires à une prospective des
religions »Éditions de l’Aube
[6] René GUENON dans « La
crise de monde moderne » (gallimard/1946) apparaît comme un précurseur de
ce point de vue des analyses critiques tant de Herbert. Marcuse « l’homme
unidimensionnel » que de Guy. Debord « La société du spectacle »
(Buchet castel/1967) ou de Raoul. Vaneigem « Traité de savoir-vivre à
l’usage des jeunes générations » (Gallimard 1967).La Tradition et le
Situationnisme même combat?