lundi 4 janvier 2016

L ECONOMIQUE ET LE SACRE

Université de Provence
Colloque du 26 et 27 mai 2000

L’EVALUATION
DE LA MONDIALISATION A L’ETHIQUE


Conférence de Noël IMBERT-BOUCHARD
L’ECONOMIQUE ET LE SACRE

(Dans notre société  l’économique et le sacré ont ils quelque chose à échanger ?
(des attitudes individuelles sont elles propices à cet échange ? des démarches collectives constituent elles des liens avec le sacre sacré dans  la cité ou  l’entreprise ? Pour quelle éthique dans la mondialisation ?  L’innovation constitue t elle un terreau fertile de rapprochement ?Quelle évaluation  faire de ces liens??

1) le réel et le vrai

Le réel est sujet à et objet de caution

Existez vous ? Etes vous bien réels ou n’êtes vous que le produit de mon imaginaire ? Les idéalistes comme Schelling  soutiennent  que le monde existe par une conscience qui le pense. C’est en quelque sorte la condition nécessaire à son existence. La meilleure formulation de  l'idéalisme a été donné par Berkeley "l'être est l'être perçu" Ainsi si je venais à disparaître tout cesserait d’exister. N’a t’on pas souvent évoqué le suicide comme volonté moins de se supprimer que de supprimer le monde ? Je ne veux pas vous laisser plus longtemps dans cette insupportable incertitude existentielle : « je » vous rassure ; « vous » existez indépendamment de moi. Vous n’êtes pas seulement des créations de mon esprit. Vous faites partie du réel comme j’en fais partie. Ce qui est illusoire en revanche, c’est la représentation que je me forge  du réel. L’illusoire, ce n’est pas « vous » mais l’image que j’ai de vous. L’illusoire est moins le réel que l’idée que je m’en fais. C’est « je » qui emprisonne les autres dans les mailles de son filet à objet. C’est toujours un « pour soi » que je projette et non un « en soi » que je tente d’incorporer. Et nous faisons tous  de même tentant sans cesse  de jeter  sur les autres nos filets à illusions tout en tentant d’échapper aux leurs. C’est l’épisode Sartrien de ma liberté qui se referme sur cet enfer que sont les autres. Comme l’écrit Sartre vous m’imposez votre déterminé dans  lequel je suis sommé d’entrer et qui me fait perdre ma liberté.
Si même le réel que l’on tient pour le plus assuré par le sens le plus commun peut être mis en cause qu’est ce que la vérité?



La vérité est une histoire et un construit

Trois grandes approche du concept peuvent être combinées

 la vérité personnifiée.
Dans le monde médiéval latin, a personnalisation de la vérité est fondée sur des textes scripturaires dont le plus célèbre est celui de l’évangile de Jean  (Ch14,Verset 6) « Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie ;personne ne vient au Père que par moi ». Au moyen age Vérité désigne Dieu en général

La vérité comme adéquation
Lorsqu’on traite de la réalité des choses (on revient donc au concept du réel) on voit en la Vérité suprême sa caution exclusive. Chez saint Anselme, la Vérité est d’abord la rectitude c’est à dire le rapport juste entre le signe et l’objet réel .La vérité de la proposition réside dans son devoir de rectitude. Pour employer une image  le vrai terrestre devient en quelque sorte une image, un reflet de la Vérité céleste.Saint Thomas D’Aquin distingue le vrai de la vérité. Pour lui le vrai est deviné intuitivement par les sens. La vérité en revanche est la conformité des choses avec les Idées divines (même approche chez Aristote).

 La vérité dialectique
La distinction du vrai et du faux ,et notamment la distinction entre sujet connaissant et objet connu (qui était mon sujet introductif) va conduire à Descartes, puis au-delà à la logique formelle  et à l’épistémologie générale .Le vrai est ce qui relève de la logique interne d’un discours  hypothético-déductif. Les sciences dîtes exactes ont une prétention a rendre compte du monde : « Dieu est une hypothèse dont je n’ai pas eu besoin »

 Ainsi s’opère ce que je considère comme  un glissement progressif dans l’occident monothéiste entre trois stades progressif de la vérité humaine mise en rapport avec l’affranchissement (ou l’aliénation)de la liberté de l’homme (car évidemment les deux conquêtes entrent dans des rapports simultanés) :suivant l’époque on croit, on interprète ou l’on crée. On croit : Dieu Est et Il est la Vérité (donc on obéit à Dieu ou à celui qui sait ce que Dieu veut, en l’occurrence l’église). On interprète : la vérité est le rapport d’exactitude entretenu entre la chose vraie et la Vérité suprême (donc on interprète notamment  les lois de la Nature). On crée : la conception et la validation s’opère  à l’intérieur d’un système de références déterminé et accepté ; système qui peut être remplacé par un autre sans pour autant perdre de sa pertinence.



Si la vérité est un concept qui a une histoire elle est également un chantier :elle se bâtit individuellement et collectivement. Elle se saisit d’elle même   dans le  mouvement même qui lui pet de s’incarner. Je citerai trois exemples de construction qui viennent en appui du schéma conceptuel (sommaire, lacunaire et contestable à bien des égards que je  développe ici).


La vérité symbolique
Chez Jung. In « La vie symbolique ».Psychologie et vie religieuse (Albin Michel)page 65.
L’exemple que je vais vous citer m’a profondément et durablement marqué.
Les indiens Pueblo croient que leur prière quotidienne aide le soleil à se lever (j’ai trouvé la même croyance chez les Navaho).Ils trouvent dans cet exercice rituel leur harmonie individuelle et sociale. Jung soigne une patiente occidentale névrosée qui ne sait ce qu’elle cherche. Et Jung de considérer que si seulement elle pouvait prier sa mère la lune pour l’aider à se lever elle serait heureuse. Elle pratiquerait une activité symbolique. Elle vivrait en harmonie. « Avoir le sentiment de mener une vie symbolique, d’être un acteur du drame divin, donne à l’être humain la paix intérieure »Elle n’a pas compris que la vérité c’est ce qui rend heureux.


La vérité scientifique
Le plus court chemin d’un point à un autre est la ligne droite ; la perpendiculaire et le niveau servent à construire un bâtiment dont toutes les perpendiculaires à la surface du sol seront des parallèles. Mais pour aller en avion de Paris à Tokyo c’est la courbe qui sera le chemin le plus court et les perpendiculaires à la surface du globe ne seront plus parallèles mais se rejoindront au centre de la terre. Dans l’espace d’autre règles vont présider à la mesure des distances et au sein de la matière les principes classiques de détermination et de causalité  seront inopérants. Pourtant l’homme est le même :c’est son rapport à l’échelle et au temps qui change. Tout devient vrai ou faux en fonction du besoin que l’on en a. Le vrai est ce qui est utile.


La vérité dialectique
Chez Althusser .In «  Pour Marx » Maspéro .
Althusser pose la question de la vérité à travers l’œuvre de Marx même s’il ne la formule pas de cette manière. Il met en place une critériologie qui ne répond pas seulement à une chaîne hypothético-déductive mais également aux interrelations entre cette chaîne et l’environnement qui la constitue et sur lequel elle rétroagit. Une analyse que je qualifierai de philosophico-systémique. Or il trouve une période de l’œuvre de Marx (après les écrits de jeunesse vers 1846) à partir de laquelle Althusser considère que ces critères sont remplis par l’auteur. C’est la fameuse « coupure épistémologique ». Première conclusion :avant cette coupure Marx était un philosophe c’est à dire un littérateur, après il devient un scientifique. Deuxième conclusion :le marxisme est une science et suit à ce titre la loi d’évolution des sciences. Troisième conclusion qu’apporteront d’autres commentateurs :Marx sonne le glas de la philosophie qui ne peut plus être après lui qu’une branche morte de la pensée humaine ;le marxisme est bien un horizon indépassable de la pensée humaine. Une vraie rencontre de  troisième type :la vérité dialectique.

La vérité est ce qui rend heureux, ce qui sert ,ce qui fait science. Elle est relative et absolue. Relative car liée à l’expérience vérité psychanalytique  vérité esthétique etc
Mais absolue car ce ne sont pas des points de vue différents de même nature et de même validité qui « co-existent » mais des vérités différentes. Unique dans son essence qui est le désir de la chercher et multiple dans son expression et sa réalité.

2ème partie : le sacré

Qu’est ce que le sacré ?


Le sens le plus courant du sacré vient de « sacer »,en latin ce qui sépare. Le sacré sépare le monde en deux comme le symbole(toujours pour mieux le réunifier). Dès le paléolithique on trouve les traçes d’une culture symbolique et sacrée. Pour indiquer l’acte de manifestation du sacré Mircea Eliade propose un terme : la Hierophanie.(manifestation du Hieros).Dans la hiérophanie  trois éléments sont en présence : l’homme, l’intermédiaire( pierre, totem, livres, temples, rituels etc…) et le divin ( le tout autre, le transcendent) C’est donc l’intermédiaire qui va être le sujet observable entre l’immanent et le transcendent)







A)La gestion collective du sacré ( par le symbole, le mythe, le rite, l’espace, le temps)
c’est à dire par des dispositifs méthodologiques à caractère permanents.

Le symbole

Pour Jung déjà cité seule l’existence symbolique permet à l’homme de tenir un rôle en tant qu’acteur du drame divin de l’existence(ce que le rationnel n’épuise pas)
Chez Mircea Eliade le "symbolisme est une donnée immédiate de la conscience totale"[1] un peu à la manière me semble-t-il dont temps et espace sont des catégories a priori de l'entendement chez Kant. Mais ce symbole ne peut être vécu pleinement que si l'homme se place au centre de lui-même et ce centre de lui même est en même temps le centre de l'univers. Le symbole est un trait d'union entre notre conscience claire d'une part, notre inconscient (collectif ou individuel) d’autre part et enfin notre "surconscient" que l'on peut assimiler à l'appel de l'entièreté. Le symbole est un pont.

 Le Mythe
Le mythe est une histoire vraie (pour ceux qui la vivent), sacrée et exemplaire qui fournit à l'homme des modèles. Les mythes d'origine racontent une création : c'est un récit par lequel un groupe d'hommes "dit" sa relation avec la transcendance.Un mythe fondateur se souche presque toujours sur un autre mythe antérieur, lui même souché sur un troisième, etc. Il y a en quelque sorte une "mythogénése"permanente ou si l'on préfère un même mythe repris sans cesse dans chaque Tradition sacrée et peut-être le même mythe (ou les mêmes souches mythiques) d'une Tradition à l'autre remontant à une Tradition Première. En répétant ce mythe, en le vivifiant, l'homme reste dans la conscience du divin et son action prend les dimensions d'une conscience du sacré.


Le Rite
Mais pour actualiser ce mythe et le conserver, il faut le jouer : c'est notamment le rôle du rite. Les différents rites (rites de puberté, rites initiatiques, rites militaires) ont pour fonction de vivifier le mythe, de le faire vivre et le cas échéant de le renouveler.
Ainsi, le rite permet à l'acteur de s'agréger symboliquement, puis réellement à une ronde des étoiles dont le derviche tourneur fait partie. Cette thérapie collective, cette régression sacrée fait revivre l'origine et revivre le monde.

Symboles, mythes et rites s’articulent ensemble dans une même logique. René Guenon a dit du rite qu’il «était du symbole en mouvement». Cette dynamique du sacré prend corps dans un temps et un espace spécifiques.


L
'espace sacre
Dans une société de la Tradition, la première condition de sacralisation du monde est l'établissement d'un "espace sacré". L'organisation et la compréhension de l'univers imposent d'homogénéiser l'incohérence et le chaos pour les rendre lisibles et compréhensibles. Toute saisine du réel, impose une taxonomie. La taxonomie du sacré permet d'opérer le classement entre le profane et le sacré en établissant entre les deux une séparation, une frontière. Aussi le dégagement d'un espace particulier possédant son homogénéité au milieu de l'espace indéfini et informe, est le premier acte fondateur. Pour vivre dans le monde sacré il faut le fonder ; personne ne peut vivre dans le chaos de l'homogénéité et de la relativité de l'espace profane. En limitant la profondeur de son champ de vision, il est possible à l’homme de mieux examiner les détails, d'ordonner les choses et de créer un espace familier.

Le temps sacré


Le temps est-il une ligne tendue vers un but à atteindre ou est ce une roue eternelle sans début ni fin ?


Dans les textes les plus anciens de l'Inde (Les Vedas/Le savoir) datés d'environ 1500 avant notre ère le temps est parfois comparé à la chaîne d'un métier à tisser sur laquelle la trame des événements se dessine indéfiniment. L'univers est toujours recommencé comme les saisons, comme le jour succédant à la nuit.


 Les Grecs vont développer une conception proche du temps de "l'éternel retour" : toute civilisation pour eux est condamnée à sombrer avant de renaître à nouveau au cours de cycles cosmiques qui durent des dizaine de milliers d'année.

Le temps judéo-chrétien est évidemment à l'antithèse de cette conception. Le monde de la Genèse est créé une fois par toutes par l'unique Dieu Créateur , dans un acte d'amour.


L'individu dans la tradition judéo-chrétienne, est une "personne" aimée de Dieu et non une forme composée d'éléments impermanents. Il n'a qu'une vie et c'est durant ce laps de temps qu'est constitué "le chantier" par lequel l'homme va construire son éternité.
Ces deux conceptions sont de mon point de vue d'une importance vitale car elles constituent peut-être les deux axes fondamentaux qui vont générer des conceptions historiques de l'homme et des sociétés différentes. En effet, si les mythes, les rites, la pensée symbolique et la gestion sacrée de l'espace structurent globalement l'imaginaire humain à l'identique, ces deux conceptions du Temps (même en tenant compte de modèles intermédiaires) évoqués ci-dessus constitue la vraie ligne de rupture entre sociétés.

D'un coté, les sociétés "traditionnelles" sont vouées à la reproduction des gestes et des choses, au respect des rites et du sacré qui occupent la place prépondérante dans l'organisation sociale. Ce sont le plus souvent des sociétés agraires ou nomades, de tradition orale : ce sont des sociétés "froides" pour reprendre une terminologie imaginée par Levy Strauss. Le temps, clos sur lui-même, fait d'éternel recommencement, génère une répétition indéfinie de l'ordre des choses et le rôle du sacré est de permettre cette perpétuation. L'avenir est dangereux s'il n'est pas répétition du passé.

Les sociétés "chaudes" en revanche, à l'instar des sociétés  occidentales, se sont développées en permanence, à partir d'une conception linéaire du temps. Ces sociétés judéo-chrétiennes (bien que cette assertion soit abusivement limitative) sont celles de la Promesse et du Projet biblique et aussi celles des projets individuels et collectifs. Elles sont en permanence tendues vers l'avenir, les échanges , la   non-répétitivité et elles inventent sans cesse du nouveau. Ce sont des creusets en fusion, lieux de tous les dangers et de toutes les opportunités et elles sont donc quasi structurellement, par essence, en état de crise.[2]




B)Le vécu personnel du sacré


L’homme relié à lui même : la démarche verticale.

 Ce que je perçois de l’essence des choses est l’interrelation  que « je » tisse avec « elles ».D’ou l’importance extrême de connaître le « je ».Connaissance à la base de toute démarche initiatique ou analytique. Le connais toi même socratique ou le VITRIOL[3] alchimique. L’ « en soi » n’est approchable que  par le Travail sur la vraie nature de mon esprit. Il faut se connaître pour connaître le monde. Les apparences du monde phénoménal sont des projections de mon esprit, (et cet esprit est de la même nature que les phénomènes qu’il projette). Il faut tenter de devenir ce que l’on contemple. Non seulement dans une perspective phénoménologique (c’est à dire d’appréhension des interrelations se nouant entre moi même et l’objet )mais  dans une perspective ontologique (mon être s’identifie à l’autre être, le comprend au sens latin de con-prendere « prendre avec soi-même ».

L’homme relié à l’autre :la démarche horizontale.

Approfondir les lien qui me relient à l’autre c’est une autre façon de se découvrir soi même. Toutes les traditions spirituelles privilégient ce lien. (par l’amour, le don, le travail, le voyage)

L’homme relié au cosmos : la démarche transcendantale


C’est ce que Mircea Eliade nomme le « tout autre », c’est le couronnement en
quelque sorte de cette démarche horizontale et verticale qui les lient.
Quand nous contemplons les étoiles par une nuit claire les atomes qui les composent sont de la même nature que ceux qui forment notre regard. C’est le mystère presque insondable de la nature qui prend conscience d’elle même. Il se crée là une béance dans laquelle surgit l’être

Ces trois démarches simultanées  tracent la voie de   «  l’homme relié »[4] qui a a sa disposition ces outils et ces méthodes que je viens de citer pour le faire.
On voit bien que globalement l’ensemble de ces instruments d’une part et cette pratique d’autre part définissent un champ commun à toutes les grandes traditions spirituelles (bouddhisme, christianisme, animisme etc..)
Le débat actuel sur les sectes (non absent d’arrières pensées de la part des tenants d’un rationalisme masqué)est bien mal posé à cet égard. La fameuse « dérive sectaire » ne provient pas d’une entorse à la loi civile commune (elle même bien relative )mais d’une non-régularité à l’égard de ce qui fonde une tradition spirituelle :la gestion d’un espace et d’un temps sacré dans lesquels sont gérés collectivement des mythes au moyen de rites et de symboles facilitant la pratique individuelle des liens avec soi ,avec les autres, avec le cosmos.  Mais pour pouvoir en juger sainement encore faudrait il que les commentateurs ou les censeurs disposent du minimum de connaissances et de pratique spirituelle permettant d’évaluer le degré de « vérité »véhiculé par une idéologie singulière. Cette érité là ne se mesure évidemment pas à l’aune des vérités profanes ou des tocades médiatiques. Cette capacité de jugement fait généralement défaut . La vérité de la pratique échappe. La route de l’inquisition est ouverte. Elle créera des martyrs médiatiques (qui pour certains bénéficieront d’une auréole usurpée).La confusion est entière. On perçoit bien sur ce cas d’actualité comment se resserrent et se nouent les liens entre vérité et sacré.



La vérité se construit. Comme le sacré qui tire sa véracité de sa pratique et d’une forme de répétitivité. Dans cette perspective existentialiste comment concilier le sacré qui tire sa substance de la tradition et la modernité qui tire la sienne de  la rupture. L’innovation peut elle constituer ce trait d’union ?


3ème partie l’innovation, le sacré, la modernité.

L’innovation. Qu’est ce qu’innover ?


Classiquement innover c’est faire du neuf, du jamais conçu du jamais produit. Dans l’ordre de l’entreprise l’innovation peut être de process, de produit, de technique, de marché. Mais l’innovation relève de tous les ordres :innovation sociale, religieuse, politique, artistique. L’innovateur est une figure de proue de l’occident (et particulièrement de celui ci) Innover c’est aussi dire de la vérité dans un autre registre que le registre commun Mais c’est également se mettre en marge, en danger. Le sel vivifie mais il brûle aussi. Comme l’écrit Thierry Gaudin [5] «  Celui qui dit la vérité sera pourchassé par les institutions , condamné par les prêtres. Ponce Pilate s’en lavera les mains. Judas le trahira. Il sera crucifié, fera un voyage dans l’au delà et ressuscitera. Autrement dit : toi l’inventeur, l’innovateur, toi qui ose dévoiler la vérité à la face du monde au delà des intérêts dominants, n’attends que des épreuves. Tous seront contre toi et même certains de tes fidèles te ferons défaut. Tu résisteras. Les institutions te soumettront au supplice. Car c’est la voie pour ressusciter et bâtir pour des siècles des siècles ». L’auteur ajoute : « armé dès l’enfance d’un tel scénario, on comprend qu’en pays chrétien l’innovateur ne se décourage pas. L’innovateur, on l’a compris, sera toujours un paria ».

Le lieu social par excellence de la réalisation des aspirations individuelles est aujourd’hui celui de l’entreprise. A un point tel que certains ont fait de celle ci l’objet d’un nouveau culte : il suffit de lire certains livres dits de management pour le constater. Or l’entreprise point de salut !Cette dégradation du sacré constitue une de définitons de l’idolatrie.L’entreprise fait ele sa place au sacré ?

LL’entreprise et le sacré



J’entends par entreprise tout groupement humain qui a pour  but d’optimiser en son sein une fonction de production et d’échange que celle –ci soit marchande ou non. C’est donc l’expression d’un vouloir travailler ensemble. La question est : comment repérer au milieu du champs économique et social  quelques pistes qui conduisent au territoire du sacré ?


les pistes du sacré


Premiére piste :Le travail et la création


La glorification du travail en revanche est fortement connotée par l’occident. C'est le travail du dieu créateur qui est continué dans les champs par les paysans et dans les constructions par le labeur des ouvriers et des maçons. Cette mythification du travail se retrouvera jusque dans les doctrines païennes comme le socialisme soviétique ou le national socialisme.
Dans ce travail, l’innovateur s’approprie une parcelle du pouvoir du créateur . Il s’identifie au porteur de la révélation il rejoue le théâtre de la création. Le travail est sacré parce qu’il est création et il est consubstantiel à l’innovation. Priver l’homme de travail, c’est lui enlever la possibilité d’être un acteur symbolique  du jeu du monde. C’est lui ôter la vie spirituelle .Rendre partout l ‘homme créateur par le travail



Deuxiéme piste :Le vertical, l’horizontal, le global.

Par analogie, tous les processus d’écoutes de soi , les méthodes réflexives et analytiques , les méthodes de gestion de projets horizontaux qui brisent les cloisonnements , les liaisons avec l’écosphère s’apparentent à une démarche d’ordre sacré. Il faut les repérer dans l’entreprise et les développer.La voie du relié c’est la voie holistique.

Troiséme piste :La pensée symbolique (la détermination, le flou, la logique non Aristo)


Quatriéme piste :La mythification et la ritualisation( avec en corrollaire la chasse aux idoles)

Les mythes, les rites, les symboles, l'espace, le temps forment un complexe global et ces éléments sont indissociables de l'expérience individuelle et de la pratique collective du sacré. Ils constituent une condition nécessaire mais non suffisante de la gestion sociale du sacré. Car ils sont constitutifs également de l'anthropologie de l'imaginaire humain et peuvent donc trouver d'autres terrains d'application que le sacré (cf notamment les rites républicains ou les mythes sociétaux fondateurs). La désacralisation progressive des sociétés modernes induit parallèlement des tentatives constantes de  nouvelle ritualisation et de nouvelle mythification de la vie sociale mais aussi la prolifération des « idoles »celle ci étant une dégradtion de la relation sacrée dans la matiére qui n’est plu svue comme l’intermédiation mais comme la finalité de la relation sacrée.

Cinquiéme piste :L’espace et le temps non marchands


Le monde moderne impose de vivre dans un espace de plus en plus désacralisé. Des rituels profanes tentent en vain de le re-sanctifier, soit dans l'espace unifié de la consommation généralisée et du simulacre, [6] soit dans celui d'un projet laïque ou-messianique accoucheur d'un individu désaliéné.
C’est aussi remettre en cause le temps de la fausse urgence.



L’essentiel se joue à coté de la raison .Le monde est donné comme une énigme à interpréter ;un chantier à construire mais dont les outils existent dans les grandes traditions spirituelles. Il faut soucher l’innovation dans son véritable fondement symbolique :la participation de l’homme à la naissance du monde.





















[1] Mica Eliade "Traité d'histoire des religions"
[2] L'idéogramme chinois signifiant "crise" est l'assemblage d'un idéogramme signifiant "opportunité "et d'un autre signifiant "danger". Rien n'est aussi curieux que de redécouvrir périodiquement que notre société est en "crise". C'est le contraire qui serait étonnant!
[3] Visita Interiore Terra et Rectificando Invenies OccultemLapidem « Visite l’intérieur de la Terre et en « rectifiant »tu trouveras la pierre cachée
[4] Cf «  questions de » 109 -Albin Michel « La voie de l’homme relié »
[5] Thierry Gaudin « Préliminaires à une prospective des religions »Éditions de l’Aube
[6]  René GUENON dans « La crise de monde moderne » (gallimard/1946) apparaît comme un précurseur de ce point de vue des analyses critiques tant de Herbert. Marcuse « l’homme unidimensionnel » que de Guy. Debord « La société du spectacle » (Buchet castel/1967) ou de Raoul. Vaneigem « Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations » (Gallimard 1967).La Tradition et le Situationnisme même combat?