vendredi 15 janvier 2016

LE SACRE



Ô homme, regarde toi, tu as en toi le Ciel et la Terre Hildegarde de Bingen. Six heures trente à Paris. Le gong de bois retentit dans le jour qui se lève.. Dans le temple des disciples de maître Deshimaru, rue de Tolbiac, les méditants revêtus de leur robe noire entrent dans le Dojo du pied gauche, se prosternent devant le Bouddha qui trône sur l'autel central , et gagnent leur place en circumambulant à angle droit, en prenant garde de ne pas couper le lien symbolique qui réunit l’espace entre l'autel et la chaire ou siégera le maître de cérémonie. Puis l'entrée rituelle accomplie, ils s'assoient en demi-lotus sur le coussin rond traditionnel, le zafu, et se concentrent sur leur posture et leur respiration. Pas très loin, au même moment Boulevard de Sébastopol, avant de rejoindre leur travail, les jeunes moines Hindouistes du groupe Sivananda psalmodient un mantra en se balançant légèrement devant la représentation de Civa. Au même instant, dans la crypte de la basilique de Vezelay, sont agenouillées à même le sol, les moniales de Notre Dame adorant le Sacré Choeur.
A un vol d'oiseau de là, le soleil perce la brume au-dessus des forêts qui entourent le monastère de la Pierre Qui Vire; dans son église lumineuse, les moines resserrés autour de l'orgue moderne entonnent le Sanctus. Une heure plus tard, les mêmes rayons du soleil au dessus de la mer grecque, dorent les falaises du Mont Athos sur lesquelles glissent les prières silencieuses de la philocalie mêlées dans l'invisible aux voix de basse des moines orthodoxes qui font vibrer le prologue chanté de l'évangile de Jean. Et à l'autre bout de la terre, à Bangkok, la nuit survient déjà ; les moines mendiants entrent en priant dans les temple déposer les oboles de la journée. Au même instant de l’autre coté de la mer de Chine, au-delà du détroit de Macassar, de jeunes Balinaises à la lumière des torches, offrent des plateaux de fruits frais aux dieux de pierre dressés dans les fumées d'encens. Mais dans ce survol instantané, j'oublie tant de quêteurs du Sacré, postés comme des sentinelles au bord de l'invisible: chamans sibériens couverts de peaux, Dogons communiant avec les esprits ancestraux, prêtres vaudous guidant les transes. Et les Thibétains traçant au sol les Kalachakra, les Navajos dessinant les voies de guerison , les Aborigènes configurant les territoires du rêve, tous répandant sur le sol des poudres colorées qui tracent les pistes éphémère conduisant vers Ailleurs. Tous participent à l'édification de cette organisation des traditions unies par et pour l' Esprit. Sur la terre ronde, la nuit répond au jour et le monde du visible s'appuie sur le monde de l'invisible. Le Sacré est le territoire commun sur lequel l'homme et le Tout Autre se rencontrent. Depuis que l'homme s'est redressé sur le sol, sa prière et sa méditation font le tour du monde et soutiennent celui-ci comme un échafaudage. Si cette tresse sacrée sans cesse renouée n'enserrait pas l'univers d'un lien invisible, celui-ci, s'effondrerait et se disloquerait. LeSacré, cet au-delà de soi instinctivement perceptible, ce territoire inaccessible à la seule pensée rationnelle, dont chaque homme, a ou peut avoir l'expérience, comporte une doublension individuelle et collective. L’expérience individuelle faite à la fois de fascination et d’effroi est presque toujours scellée dans les coeurs car elle n’est instrument de communication qu’entre ceux qui ont fait le même chemin. Même si quelques artistes, quelques poètes , quelques mystiques arrivent à faire entrevoir directement à l’un ou l’autre d’entre nous ce territoire enchanté. La dimension collective du sacré qui nous intéresse plus particulièrement ici, est d’abord celle de l’histoire ;histoire observable des hommes depuis la nuit des temps et également histoire des idées car la conception même que l’on a pu se faire du sacré a influencé le contenu de celui-ci. Si le sacré est une histoire collective, c’est aussi un mode d’organisation et de gestion particulier de l’invisible que l’on retrouve de manière constante .En effet à travers à travers les époques, les lieux et les cultures, le langage symbolique, les rites, les mythes sont tissés comme la même étoffe éternelle qui pare le sacré même si ses motifs coloriés diffèrent. Les grandes traditions spirituelles ont également généré des techniques communes d’accès au sacré que chaque individu peut mettre en œuvre comme autant "d’accélérateurs" d’approche du divin. Enfin cette histoire, ces modes de gestion, ces techniques sont ici séparées pour les commodités de l’exposé. Mais elles forment un tout car la vie sacré est insécable . L 'HISTOIRE DU SACRE « C 'est la présence d'un Autre ,irréductible à tous les autres. » Jacques Vidal[1] LE SACRE "AB ORIGINE" « ils lavèrent le corps, le frottèrent d'huile et remplirent ses plaies d'un onguent de neuf ans. Puis le mettant sur le lit, ils l'enveloppèrent d'un linceul brillant des pieds à la tête, et le recouvrirent d'un manteau blanc. Toute la nuit, autour d'Achille aux pieds rapides, les Myrmydons pleurèrent Patrocle en gémissant » Homére ( L'Illiade)[2] L'origine étymologique du terme sacré est multiple : qadosh, hagios et le plus couramment admis le sacer latin dont viendra "sacrifice"(ce qui sépare). Dés le paléolithique (-2 millions/-9000) la symbolique funéraire est importante. De -70 000à -50 000 ans des traces de sépulture correspondant à des mise en terre rituelle sont observables. Dans le paléolithique supérieur le cadavre est saupoudré de rouge, symbole de la vie pour continuer peut être une activité post mortem. Les peintures rupestres montrent la croyance des hommes dans des mythes cosmogoniques.[3] Au néolithique(entre -5 000 et -3 000) la position foetale des squelettes dans une urne en forme d'utérus est remarquable. Puis au fur et à mesure de la sédentarisation, de l'élevage et de l'agriculture, la symbolique s'enrichit(y compris de constructions rituelliques comme à Stonhenge).La femme déesse - mère trouve une place unique et les rites de fécondité, rites solaires, rites de renaissance se développent. La religion néolithique est une religion centrée sur la rénovation du monde Au centre du monde se trouve l'arbre cosmique qui relie la terre au ciel. A coté d'une valorisation du temps, existe la sacralisation de l'espace par des rituels et des prières. Dés cette période tous les ingrédients constitutifs d'une gestion collective du sacré semblent réunies. Les grandes civilisations de l'Inde, de l'Iran, de l'Anatolie, constituent notre héritage indo-européen Peu de traces écrites en subsistent(sauf chez les Hittites) mais des recoupements sémantiques vont permettre à Georges Dumezil[4] de montrer l'articulation des trois fonctions qui vont faire subsister la communauté indo-européenne: prêtres, guerriers, producteurs. La fonction sacrée qui commande les deux autres est désormais institutionnalisée. La tripartition se reproduit chez les dieux indiens qui fonctionnent de manière trinitaire. On va retrouver cette tripartition sociale et divine à Athènes et à Rome. L'histoire des idées religieuses à Summer, à Babylone, en Égypte puis dans les deux monothéisme abrahamiques( Israël et Islam) montre que le lien avec le sacré, notamment par l'intermédiaire de la pensée symbolique, est une donnée permanente de la nature humaine dont elle constitue en quelque sorte la charpente spirituelle .Pouvoirs ,religions, institutions se greffent sur cette donnée brute de la conscience humaine: l'homme se relie avec le Tout Autre, le Transcendant dont il a l'intuition fondamentale et avec lequel il noue un dialogue ininterrompu depuis la nuit des temps. L'HISTOIRE DU SACRE La conception qu'ont eu les hommes de la place du sacré dans les sociétés humaines a influé sur le sacré lui-même aussi est il nécessaire de préciser de manière sommaire et même schématique (au risque de la déformation) les lignes de force de cet itinéraire. Le sacré a été l'objet d'étude des historiens des religions, des écoles sociologiques, des anthropologues du sacré et des "hermeneutes" au premier rang desquels je place Mircea Eliade dont la conception du sacré ordonne aujourd'hui les conceptions et les études sur le sujet. Les sciences sociales et le sacré[5] Les prémisses d'une science des religions se trouve dans l'antiquité grecque, romaine puis au Moyen Âge. Les premières grandes analyses de la religion sont le fait de Benjamin Constant (1767-1830/De la religion) qui exalte le sentiment religieux puis de Feuerbach(1804-1872)pour qui le sentiment religieux n'est qu'une fonction naturelle de l'imagination. Ce n'est pas en revanche le sentiment de James Georges Frazer (185461941) qui à travers l'extraordinaire "Rameau d'Or"(et les premières analyses des mythes ) fait du développement progressif du sentiment religieux un phénomène inéluctable. Quand à Karl Marx en 1845 dans ses "Theses sur Feuerbach" il ne verra dans la religion que le reflet aliénant des processus économiques qui régissent la vie des hommes. C'est la sociologie qui va faire du sacré son champ de prédilection. Avec Auguste Comte d'abord (1798-1857) qui veut libérer l'individu de "l'état théologique" puis Émile Durkheim (1858-1917), véritable fondateur de la sociologie des religions. Pour lui, la religion a pour but l'administration du sacré .Le totémisme permet la classification entre profane et sacré. C'est le groupe social qui produit le sacré ,le "mana", nécessaire à sa cohésion. Marcel Mauss(1873-1950) consacre l'importance fondamentale du symbolisme dans la quête du sacré. Toutes ces analyses de l'école sociologique , y compris celles postérieures de Max Weber ou Pierre Bourdieu, comportent une part de vérité. On ne peut nier que le sentiment religieux exploité ait pu contribuer au maintien de l'ordre social ou que la religion n'ait jamais été un facteur de pouvoir sur les masses ("l’opium du peuple") ou d'aliénation de l'individu. Mais ces analyses sont effectuées de l'extérieur du champ sacré. Or la compréhension du sacré nécessite d'être en intimité avec lui pour créer ce que j'appellerai une "épistémologie de la Présence" étrangère il faut bien le reconnaître à l'esprit scientifique issu du rationalisme. Tout modèle sociologique ne rend donc compte à mon sens que de la partie exotérique de la réalité du sacré. La psychanalyse s'est livré également à une lecture de la religion et du sentiment religieux. .Freud dans" Totem et tabou" et « Moïse et le monothéisme » a notamment mis en valeur "l'économie" de la religion en soulignant la différence et le passage entre la névrose comme religion privée et la religion comme névrose universelle; le passage s'opérant par l'intermédiaire de la culture .Pour lui le désir et la peur et le désir encore plus que la peur fondent la religion. L'herméneutique de la religion et du sacré vont être illustrés par Rudolf Otto(1869-1937) dont l'ouvrage(Le sacré/Die Heilige) va connaître un succès mondial, et surtout par les travaux de Mircea Eliade .Pour Otto le sacré est inhérent à l'esprit humain. La religion est l'expérience du mystère. Il distingue quatre étapes dans cette découverte (le sentiment de créature, l'effroi mystique, le "mysterium" de l'objet "numineux", et le "fascinans" qui conduit au nirvana ou à la vison béatifique du christianisme. Pour lui le symbole est une voie d'intuition. Mircea Eliade, influencé par Jung pense que l'homme tend à faire retour à l'archétype religieux. Il est persuadé que les images et les symboles communiquent leur message même si l'homme n'en a pas conscience. Toute son œuvre consiste à démontrer que les phénomènes historico- religieux de l'humanité ne sont que les expressions infiniment diverses de quelques expériences religieuses fondamentales. Enfin ce très bref tour d'horizon ne peut ignorer Claude Levy -Strauss dont la contribution à l'étude des mythes est importante. Pour lui la brique fondamentale pourrait on écrire de toute pensée humaine est la structure.[6] Les éléments symboliques que nous allons trouver dans les mythes n'ont pas de signification intrinsèque et leur sens ne résulte que de la combinaison avec d'autres éléments. C'est cette combinaison qui constitue une structure. Aussi Levy Strauss découpe t il le discours mythique en segments minimaux, qu'il appelle mythèmes, analogues aux phonèmes des linguistes. Ils les reclassent ensuite en paradigmes interchangeables entre eux. Levy Strauss élabore une pensée imperméable à toute idée de révélation du sacré et de transcendance divine. Il se fait l'apologiste d'un agnosticisme total en déclarant que la religion n'est que le règne des pensées confuses. Il se veut un simple ingénieriste des mécanismes d'une pensée sans finalité autre que de fonctionner. Le fonctionnement historique du sacre l'homo religiosus croit en une réalité absolue ,le sacré, qui transcende ce monde ci mais qui s'y manifeste et, de ce fait ,le sanctifie et le rend réel"[7] Mircea Eliade Eliade auquel j' emprunte cette analyse à laquelle je souscris (et que j'opposerai volontiers à celle développée par Madeleine Davy )[8] part de la constatation que dans tout phénomène religieux interviennent à la fois l'homme religieux et la manifestation du sacré. Pour indiquer l'acte de manifestation du sacré il propose un terme: la hiérophanie. (manifestation du hieros)Cette réalité qui n'appartient pas à notre monde se manifeste dans notre monde. La structure de la manifestation ne change pas même si ses modalités diffèrent. Mais l'expérience garde toujours la même spécificité dans l 'espace et le temps. Pour bien comprendre le mécanisme il faut distinguer les trois éléments en présence :l'homme, l'intermédiaire (pierre, totem livre, temple, maître spirituel, rituel, symboles, animaux, plantes, etc..) et le Divin (quel que soit le nom qu'on lui donne il est le Tout Autre, le Transcendant; c'est cette réalité que Otto appelle l'élément numineux). Entre l'homme et le Tout Autre, il y a un intermédiaire dans lequel va se faire l’incarnation. C'est le champ de cette intermédiation qui va être le terrain observable de rencontre entre l'immanent et le transcendant. L'important est bien la nature biface de cet intermédiaire qui appartient à deux mondes et qui comme tout objet a double nature se prête à l'interprétation et à la lecture symbolique. Par essence le sacré laisse place à l'interprétation, à l'exégèse, à l'indétermination et à l'individuation. Son langage est celui de l'analogie, du symbole, du poétique, de la foi. La théologie qui a pour but de concilier la foi et la raison peut aborder ce terrain si le discours rationnel (qui se veut tel) ne l'emporte pas et dessèche l'objet de son étude. On voit par la nature de la hiérophanie là que toute logique réductionniste est par nature étrangère et se révèle incapable de la saisir. Je pense que les fondamentalismes religieux n'oeuvrent pas dans le domaine du Sacré dont ils se réclament car ils en contredisent l'essence même qui est interprétative.. Mais le grand mystère de la hiérophanie est que le sacré se manifeste ,s'incarne, et en s'incarnant, se limite parce qu'il entre dans les contingences de l'histoire, du temps, de l'espace ( l'incarnation la plus courante étant la hiérophanie de l'objet sacralisé et la plus extraordinaire étant la théophanie suprême de Dieu incarné en homme ou au delà encore, peut-être, la volonté Nietzchéenne d'incarnation de l'homme en surhomme).. Au delà de l'intermédiation qu'offre la hiérophanie, l'accès au tout autre ne peut que s'effectuer sans pont, sans limitation, en se jetant dans l’absolu qui est le domaine du mystique. Pour Maître Eckardt "il faut avoir dépassé les intermédiaires" et il ajoute[9]" le détachement est si proche du néant qu'il ne peut rien y avoir entre le parfait détachement et le néant; être vide de toutes les créatures c'est être vide de Dieu"[10].Cette dernière citation nous rappelle que par delà le monde du Profane et le domaine du Sacré se révèle le royaume du Saint. Et au delà encore peut être le non révélé, le non révélable? l’Aïn Aïn de la Cabbale ? LA GESTION DU SACRE LES VOIES D'ACCES AU SACRE : LE SYMBOLE, LE MYTHE, LE RITE. LE SYMBOLE. « Si tu veux réussir à ce que vive un arbre, projette autour de lui cet espace intérieur qui réside en toi.. Ce n'est qu'en prenant forme dans ton renoncement qu'il devient réellement un arbre. » Rainer Maria Rilke La pensée symbolique est liée au sacré. Elle est très certainement le propre de l'homme. Dans les grottes paléolithiques de Rouffignac en Périgord, il y a un plafond de deux mille mètres carrés couvert de serpents qui se dirigent vers l'ombre du fond de la grotte (interprétation de ce que les paysans du Périgord appellent encore de nos jours le "noeud de serpent" maléfique). Sur la paroi opposé un grand nombre d'animaux groupés filent vers la lumière. Déjà est figuré le combat symbolique des ténèbres et de la lumière. "C'est trop peu de dire que nous vivons dans un monde de symboles, un monde de symboles vit en nous [11]" "Le symbole est une représentation qui fait apparaître un sens secret, il est l'épiphanie d'un mystère"[12]. Pour Jung, le symbole ébranle l'entièreté du psychisme de l'homme. Cet ébranlement n'est ni rationnel ni irrationnel : il est en quelque sorte vibratoire, pulsatif. Le symbole a une logique propre, appelée logique symbolique, irréductible aux formes positives ou négatives de la logique car le symbole est relié pour Jung à l'inconscient collectif et l'on sait que celui ci reçoit un certain nombre de poussées orientées qui sont des empreintes de base des archétypes. Chez Mircea Eliade le "symbolisme est une donnée immédiate de la conscience totale"[13] un peu de la manière dont temps et espace sont des catégories a priori de l'entendement chez Kant. Mais le symbole ne peut être vécu pleinement que si l'homme se place au centre de lui-même et ce centre de lui même est en même temps le centre de l'univers. Le symbole est un trait d'union entre notre conscience claire et d'une part notre inconscient qu'il soit collectif ou individuel et d'autre part notre "surconscient" que l'on peut assimiler à l'appel de l'entièreté. Pour Paul Ricoeur enfin, le symbole est toute structure de signification ou un sens direct, primaire, littéral ,désigne par surcroît un autre sens qui ne peut être appréhende qu'à travers le premier.[14] ou encore "le symbole est le lien entre l'être de l'homme et l'être total". On voit que toutes ces idées sont proches. Au-delà de la pensée rationnelle le symbole apparaît comme la voie privilégiée d'accès au sacré pour la conscience individuelle. De mon point de vue, le vrai symbole offre un sens au-delà de son sens premier. Il n'est réductible à aucun emprisonnement systémique qu'il soit sémiologique, psychologique, anthropologique ou philosophique. Il est la porte ouverte sur l'au-delà. Prenons un symbole au hasard. Celui du pont. Imaginons un pont. Visualisons le et méditons sur lui.[15]. Ce pont est figuré matériellement par mon esprit. Il a une forme, une couleur ; son architectonique est évidente. Mais s'il n'était que cela, il serait un emblème, une allégorie, une figure. Ce pont est aussi une voie, un passage. J'emprunte mentalement ce passage. Ce pont communique avec un au-delà perdu dans la brume. Je m'engage sur son tablier et au fur et à mesure de ma progression, je me rends compte qu'il se ramifie et débouche sur des zones profondes et humides d'où viennent vers moi un roi couronné puis une fée très belle, puis d'un autre côté que je n'avais pas encore remarqué surgit mon père appuyé sur une église qui est peut-être celle de mon enfance. En levant les yeux, je vois que le pont devient un axe vertical, puis une échelle qui se perd dans les cieux et je commence l'ascension de celle ci accompagné du roi, de mon père et de la fée. En me retournant pour regarder vers le bas, je me rends compte que sur la rive d'où je viens le pont sort de mon propre corps et que je suis le passage entre moi -même et au delà. Chacun peut vivre cet exemple car le symbole se médite et se vit. Il transforme celui qui le pratique car en le pratiquant le méditant devient ce qu'il médite. La pensée symbolique précède le langage et fait partie de la substance de la vie sacrée. En fait, le symbolisme est un langage de révélation qui permet à l'homo religiosus d'entrer directement en contact avec le divin. Maud Séjournant une psychothérapeute parisienne initiée au chamanisme qui a choisie de vivre à Santa Fe prés des communautés indiennes était récemment interviewée[16]. A la question classique: qu'emporteriez vous sur une île déserte ? elle répondit "j'emporterai trois symboles géométriques que Pythagore donnait déjà à ses élèves et sur lesquels j'ai médité un quart d'heure tous les jours pendant trois ans; le cercle, la croix a quatre branches égales et le triangle équilatéral". LE MYTHE et LE RITE. Le mythe est une histoire vraie (pour ceux qui la vivent), sacrée et exemplaire qui fournit à l'homme des modèles. L'expérience du mythe est une expérience du sacré car elle met l'homme en contact avec le monde surnaturel. Les mythes d'origine racontent une création. C'est un récit par lequel un groupe d'hommes "dit" sa relation avec la transcendance (il n'y a que notre époque pour imaginer qu'il puisse y avoir des mythes individuels au sens ou l'on parle d'une actrice mythique). Les mythes de renouvellement montrent une "renovatio mundi". Un mythe fondateur se souche presque toujours sur un autre mythe, lui même souché sur un troisième, etc. Il y a en quelque sorte une "mythogénése"permanente ou si l'on préfère un même mythe repris sans cesse dans chaque Tradition sacrée et peut-être le même mythe (ou les mêmes souches mythiques) d'une Tradition à l'autre remontant à une Tradition première. Le mythe cosmogonique constitue l'échelle des valeurs car son thème central est l'origine paradisiaque. Les mythes constituent l'histoire sainte des peuples et montrent comment le sacré a créé le monde. En répétant ce mythe, en le vivifiant, l'homme reste dans la conscience du divin et son action prend les dimensions d'une conscience du sacré. Pour actualiser ce mythe et le conserver il faut le jouer : c'est notamment le rôle du rite. Les différents rites (rites de puberté, rites initiatiques, rites militaires) ont pour fonction de vivifier le mythe, de le faire vivre et le cas échéant de le renouveler. En occident le métier de bâtisseur a logiquement créé des rites car la proximité analogique la plus proche du créateur et des mythes fondateurs de la création est sans doute celle du bâtisseur. Le bâtisseur a besoin des autres bâtisseurs pour construire, il a besoin de matériaux, d'outils, il subit la loi de la pesanteur. Malgré toutes ces contraintes il édifie. Ainsi, construire ensemble la Pyramide, le Temple, c'est participer à la construction toujours en cours du monde et retrouver les savoir faire, les tours de main oubliés. C'est accompagner le souffle de la création qui fait tourner le monde et bâtir la demeure de l'Invisible.[17] Ainsi, le rite permet à l'acteur de s'agréger symboliquement, puis réellement à une ronde des étoiles dont le derviche tourneur fait partie. Cette thérapie collective, cette régression sacrée fait revivre l'origine et revivre le monde. LES CONSTITUANTS STRUCTURAUX FONDAMENTAUX DU SACRE COLLECTIF : ESPACE, TEMPS. L'espace sacralisé et le temps sacré sont deux structures fondamentales des sociétés traditionnelles et des traditions spirituelles. L'ESPACE SACRE On sait que la vie moderne impose de vivre dans un espace de plus en plus désacralisé. Des rituels profanes tentent en vain de le re-sanctifier de manière antonyme, soit dans l'espace unifié de la consommation généralisée et du simulacre, soit dans celui d'un projet laïco-messianique accoucheur d'un individu désaliéné.[18] Dans une société de la Tradition la première condition de sacralisation du monde est l'établissement d'un "espace sacré". L'organisation et la compréhension de l'univers imposent d'homogénéiser l'incohérence et le chaos pour les rendre lisibles et compréhensibles. Pour parler simplement, toute saisine du réel, et notamment dans le domaine scientifique, impose une taxonomie. La taxonomie du sacré est d'opérer le classement entre ce qui relève du profane et du sacré en établissant entre les deux une séparation, une frontière. Le dégagement d'un espace particulier possédant son homogénéité au milieu de l'espace indéfini et informe, est le premier acte fondateur. C'est le plus souvent comme on le sait l'édification du "fanum"[19]auquel il est procédé. Pour vivre dans le monde sacré il faut le fonder ; aucun monde ne peut vivre dans le chaos de l'homogénéité et de la relativité de l'espace profane. La découverte ou la projection d'un point fixe -le centre - équivaut à la Création du Monde".[20]Cette prise de possession est physique lorsqu'il y a érection d'un bâtiment (le Temple de Jérusalem) [21]mais, elle est souvent symbolique. L' important est de créer l'ordre du monde et de répéter par cet acte fondateur la cosmogonie. L'espace sacré est le centre du monde qui relie les trois niveaux celui de l'homme, le niveau supérieur du ciel et le niveau inférieur de l'enfer. * Cette tripartition s'articule souvent sur un axe (axis mundi) qui est la colonne du centre du monde qui soutient l'univers .[22] A l'intérieur même du temple se répète de manière fractale les divisions entre sacré et profane, univers et centre. Ainsi l'espace devant le Temple de Jérusalem est la "Mer", le sanctuaire représentait la "Terre" et le Saint des Saints le "Ciel"[23]. Cette réitération indéfinie de l'image du Monde est une caractéristique des sociétés traditionnelles .Ainsi ce rapport infini entre macrocosme et microcosme est il affirmé dans la plupart des Traditions. Citons à titre d'exemple les proportions anthropomorphes du Temple dans l'Égypte ancienne[24].Ce qu'illustre la fameuse phrase de Saint Paul "Ne savez vous pas que vous êtes le temple de dieu?"(Paul 1.Corinthiens 3.16). Au fronton des cathédrales gothique c'est l'avant bras du Christ en majesté qui servait d'étalon de mesure à la construction de l'édifice Tous les lieux initiatiques, particulièrement le Temple hindou prennent l'homme cosmique comme mesure de l'univers. "L'univers est comme un homme gigantesque, et l'on peut parler de son œil qui est le soleil, de son souffle qui est le vent, de ses membres, de son cœur, de sa pensée. De même l'homme est un univers en réduction, et l'on peut parler du soleil qui est son œil, du vent qui est son souffle" [25]. Il est évidemment complexe de déterminer les influences réciproques entre les valeurs sacrées présidant à l'orientation et l’environnement socioculturel dans lesquelles elles s'inscrivent. Le référentiel commun entre construction(et conception) sacrée et profane est cosmologique. Le soleil se lève toujours à l'est et se couche toujours à l'ouest et cela va orienter tant l'orientation des sépultures paléolithiques que la construction des cathédrales au Moyen-Age. Les civilisations traditionnelles s'orientent constamment par référence à l'environnement naturel sur un plan horizontal et sur un plane vertical. Ainsi la notion de "haut" la plupart du temps va-t-elle être valorisée. Chez les Aymara dans les Andes, les habitants du haut du village sont associés aux valeurs viriles, le groupe du bas aux valeurs féminines; aussi le haut serait supérieur au bas. Au Népal chez les Newar, dans la ville de Bakhtapur, on habite dans la partie haute de la ville quand on appartient aux couches supérieures de la société ; le centre urbain est en haut de sorte qu'être en bas, serait être en périphérie de la société. Au Maroc, le village-qsar se répartit entre une zone haute et une zone basse, physiquement et socialement. La partie du village la plus basse physiquement est la partie valorisée, en conséquence de quoi, elle est dite haute en dépit de la topographie.[26] L'anthropologie de l'espace est un élément fondamental de compréhension des sociétés traditionnelles et peut-être des autres (pourquoi les villes modernes se développent - elles toujours vers l'ouest?).Dans les sociétés asiatiques marquées par la géomancie Taoïste, des méridiens énergétiques parcourent la terre à 'image du Yin et du Yang qui parcourent le corps suivant des parcours précis. L'observance de ces énergies cosmo-telluriques est propre à la plupart des civilisations traditionnelles.[27].Les lieux élevés(proches du ciel) sont les plus bénéfiques aussi souvent les collines qui reçoivent les sépultures font elles encore l'objet de nos jours d'une spéculation immobilière intense. Dans le même ordre d'idées, actuellement en plein cœur du musée national de Séoul a-t-on entrepris de détruire un bâtiment construit par les Japonais en 1940, car il contrariait la bonne circulation des énergies et peut-être les âmes des ancêtres. A Hong Kong, la faillite d'un organisme financier vient d'être imputée à la mauvaise orientation du building dans lequel il est situé. Là ou le Sacré se manifeste dans l'espace, le réel se dévoile. Il se construit un Centre dans le Chaos, une orientation, et surtout une rupture de niveau et un point d'échange d'un niveau à l'autre rendant possible un mode de communication ontologique entre des plans différents. La base de cet échange est fondée sur la mesure de l'espace par des points de repères universels que sont les axes cardinaux. Il n'y a que depuis la fin de la civilisation rurale en occident, c'est à dire très récemment pour un pays comme la France, que s'est perdu ou très fortement amoindri, ce rapport intime entre la nature et l'homme. Dans la mégalopole contemporaine, les citadins ne perçoivent plus le lever du soleil ni sa place dans le ciel, ne subissent plus la contraint des saisons, perdent le sens de la nuit et du jour, ne s'orientent plus sur les axes cardinaux et ne voient plus les étoiles. Ils perdent de vue le monde; le monde n'est plus en eux et ils se perdent de vue eux-mêmes .La remarque la plus commune mais aussi la plus touchante des astronautes qui reviennent de l'espace est de dire combien ils ont été bouleversés par la redécouverte de ce miracle simple, le lever de soleil sur Gaïa. Une des causes généralement attribuées au "malaise" de l'homme moderne est la perte de "repères". On pense évidemment aux repères moraux. Mais ne peut on prendre en compte un élément simple mais également important cause de ce désarroi ,la perte des repères physiques naturels? Comment les reconstituer? Comment créer des espaces analogiques qui s'y substituent? Comment gérer l'absence de ce qu'il faut bien considérer comme un élément structurant de la psyché individuelle et collective? LE TEMPS SACRE. "Ce n'est pas le temps qui passe mais nous qui passons..."Lamartine "Méditations poétiques" Le temps est il une ligne tendue par une promesse vers un but à atteindre ou est ce une roue éternelle, sans début ni fin, qui est un éternel recommencement et qui n'implique ni projet ,ni but? Ces deux conceptions du temps radicalement différentes, l'une indienne (mais elle n'est pas spécifique à l'Inde)et l'autre occidentale structurent de manière très différenciée le rapport de l'individu au cosmos (et bien entendu aux autre individus et à la société). Dans les textes les plus anciens de l'Inde (Les Vedas/Le savoir) datés d'environ 1500 avant notre ère le temps est parfois comparé à la chaîne d'un métier à tisser sur laquelle la trame des événements se dessine indéfiniment. L'univers est toujours recommencé comme les saisons, comme le jour succédant à la nuit "Comme les jours se suivent dans l'ordre, comme les saisons vont après les saisons fidèlement, compose leurs existences, Ordonnateur! En sorte que celui d'après ne quitte pas celui d'avant!"(Rig -Veda).La pensée indienne ultérieure, qui s'exprima dans le Brahmanisme et l'Hindouisme et qui fut formalisée dans "Le Livre des lois de Manu "affirme que l'univers 'est pas détruit une fois pour toutes mais passe par des phases alternées de création et destruction qui sont des "kalpa". Cet "éternel retour" a suscité de nombreux commentaires généralement cristallisés atour de la forme des quatre "yugas". Ces quatre âges de la création sont d'abord celui d'un d 'un âge d'or ou règnent le bonheur, la justice, la longévité et la prospérité. Puis vient un deuxième âge ou les hommes commencent à travailler, à souffrir ,à se préoccuper d'eux - même. Il n'y a plus alors que ¾ d'ordre et la durée de la vie est écourtée. Lors du troisième âge apparaissent les maladies et les vices, et l'ordre est réduit de moitié. Enfin, le quatrième âge ou les Indiens pensent que nous sommes actuellement, est celui ou tout va mal et se dégrade, précédant la catastrophe de désagrégation qui marque la fin d'un kalpa. Le bouddhisme n'a rien modifié de cette conception du temps cosmique mais il a mis l'accent sur l'impermanence des êtres eux-mêmes. Les Grecs vont développer une conception proche du temps de "l'éternel retour" : toute civilisation pou eux est condamnée à sombrer avant de renaître à nouveau au cours de cycles cosmiques qui durent des dizaine de milliers d'année. Le temps judéo-chrétien est évidemment à l'antithèse de cette conception. Le monde de la Genèse est créé une fois par toutes par l'unique Dieu Créateur , dans un acte d'amour. Même si "un jour devant le Seigneur est comme mille ans et mille ans comme un jour"[28] Le temps est linéaire et non cyclique. L'individu dans la tradition judéo-chrétienne, est une "personne" aimée de Dieu et non une forme composée d'éléments impermanents. Il n'a qu'une vie et c' est durant ce laps de temps qu'est constitué "le chantier" par lequel l'homme va construire son éternité. L'homme au cours de sa vie unique entreprend sa route vers l' au-delà ou l'attend son Seigneur avant que ne survienne inéluctablement la fin des temps. Le christianisme a confirmé cette immanence charnelle par le Christ fait homme. Le temps du Christianisme est celui de l'Alliance. Ainsi comme l'écrit Solange Thierry[29] "le temps de l'Hindouisme est celui d'un long enchaînement de maillons en maillons d'ou l'homme tend à s'évader pour atteindre la fusion dans la source cosmique de l'Être. Le temps du bouddhisme est celui d'un engrenage fabriqué par le désir et les actes d'ou l'homme parvenu au détachement parfait sera libéré par l'entrée dans le nirvana, fin de la douleur, négation du temps, immuable sérénité. Le temps du Christianisme est celui de l'Alliance et de la Bonne Nouvelle, chemin parcouru à la suite du Christ pour arriver enfin à la Rencontre suprême de celui qui est Amour.". Ces deux conceptions sont de mon point de vue d'une importance vitale car elles constituent peut-être les deux axes fondamentaux qui vont générer des conceptions historiques de l'homme et des sociétés tout à fait différentes. En effet, si les mythes, les rites; la pensée symbolique et la gestion sacrée de l'espace structurent globalement l'imaginaire humain à l'identique,. ces deux conceptions du Temps (même en tenant compte de modèles intermédiaires) évoqués ci-dessus constitue la vraie ligne de rupture entre types de sociétés différentes. D'un coté, les sociétés "traditionnelles" sont vouées à la reproduction des gestes et des choses, au respect des rites et du sacré qui occupent la place prépondérante dans l'organisation sociale. Ce sont le plus souvent des sociétés agraires ou nomades, de tradition orale :ce sont des sociétés "froides" pour reprendre une terminologie imaginée par Levy Strauss. Le temps, clos sur lui-même, fait d'éternel recommencement, génère une répétition indéfinie de l'ordre des choses et le rôle du sacré est de permettre cette perpétuation. L'avenir est dangereux s'il n'est pas répétition du passé. Les sociétés "chaudes" en revanche, à l'instar des sociétés développées occidentales, se sont développées en permanence, à partir d'une conception linéaire du temps. L'interaction entre conception du temps occidental et des instruments pour le mesurer est notamment mis en exergue par Jacques Attali. [30] Thierry Gaudin de son côté met en valeur les rapports entre la conception du temps et l'évolution de la technique en occident en montrant que les temps successifs du clocher(110061300) du chronomètre(175061950), de la télématique(1950-2150) correspondent dans l'ordre de la matière à ceux du fer, de l'acier et des polymères ;dans l'ordre de l'énergie à ceux des moulins, de la thermique et de l'électricité; dans l'ordre du vivant à la sélection des semences, à la vaccination et à la manipulation génétique[31]. Ces sociétés dites judéo-chrétiennes(bien que ce soit en partie faux) sont celles de la Promesse biblique et aussi celles du Projet individuel et collectif, en permanence tendues vers l'avenir, les échanges , la non -répétitivité, inventant sans cesse du nouveau .Ce sont des creusets en fusion, lieux de tous les dangers et de toutes les opportunités et donc quasi structurellement, par essence en état de crise.[32]La conception orientée du temps sous une forme aménagée va se retrouver néanmoins de notre point de vue, dans de nombreuses activités des sociétés considérées comme traditionnelles. .Ainsi pour employer une image va -t-on la retrouver comme une incrustation du "froid" dans du "chaud" car les modèles purs sont rarissimes et condamnés semble t il à disparaître. Ceci est vrai dès l'origine de l'histoire des sociétés organisées à tradition écrite. Dans l'ancienne Égypte ou à Babylone coexistaient à la fois des éléments spécifiques aux sociétés traditionnelles (temps répétitif, place du sacré, ordre social) avec (et bien avant la révélation monothéiste) une ouverture à l'échange commercial et intellectuel, aux nouveautés techniques ,au progrès Ainsi coexistaient une conception circulaire et une conception linéaire. du monde. La référence à un temps cyclique va non pas structurer l'occident, mais l'imprégner sur un mode mineur( notamment par les ésotérismes)alors même que va triompher globalement une conception linéaire du temps. En effet, l'idée de circularité va se continuer au long du Moyen Age à travers la quête du mouvement perpétuel ou à travers le calendrier liturgique chrétien bouclé sur lui-même.[33] Mais en occident, ce sont de mon point de vue les ésotérismes qui vont continuer sous des formes aménagées le principe des Yugas et développer une idée entropique du sacré (même si cette pensée n'est pas absente de la philosophie ,de Platon à Nietsche) Pour résumer grossièrement cette gnose, disons que l'homme de l'âge d'or, proche du créateur a vu ses qualités se dégrader parallèlement au fait que la société se délitait en conséquence de ce que les modernes nomment l'augmentation du principe d'entropie ( emprunté par analogie à la thermodynamique de Carnot).. Sur ce terrain temporel (commun nous le répétons à la plupart des ésotérismes[34]) se joue par exemple ce que nous considérons comme une confrontation entre christianisme et mouvements gnostiques. Ainsi les mouvements ésotériques vont t- ils exalter une approche du temps sacré refermé sur lui même et prenant sa source cyclique dans un tradition primordiale qui est un référentiel idéologique de l'âge d'or(que certains n'hésitent pas à situer historiquement[35].), une époque ou un trésor de connaissance d'origine non humaine a été confié à l'humanité. Cette connaissance s'est perdue ou voilée et il est possible à l'homme de la retrouver. Un de ces hauts lieux de confluence me semble être aujourd'hui le rituel maçonnique qui s'ouvre dans les Loges sous l'égide de la Bible(et du prologue de l'Évangile de Jean),dont une partie du référentiel est biblique ou christique et qui néanmoins met en jeu des principes initiatiques et répétitifs typiques des rituels des sociétés traditionnelles. Mais entre les hommes qui croient au passé comme éternel présent et ceux qui croient à l'avenir comme projet à finaliser, existent des plages de gestion commune de gestion symbolique du temps (ou des zones de conflit) "Ce qui fut ,cela sera, ce qui s'est fait se refera, et il 'y a rien de nouveau sous le soleil" (L'Ecclesiaste.2-12). Pour l'homme du sacré, le temps sacré prend place dans un espace sacré. Une parenté étymologique a été mise en évidence entre Templum et Tempus. Le temps est d'ailleurs souvent considéré comme une fraction de l'espace. Cet espace constitue la matrice privilégiée dans laquelle va se dérouler ce temps sacré qui est toujours d'une certaine manière un retour à l'origine. Le temps sacré est celui nous l'avons vu, d'un temps circulaire, sorte d'éternel présent mythique que l'on réintègre périodiquement par le truchement des rites. D'après Marcel Mauss, on peut dire du Temps sacré qu'il est toujours le même, qu'il est une "suite d'éternités". Car ce temps de l’origine est l'éternel contemporain du ou des mythes fondateurs. Il y a un lien indissoluble entre le temps de l'origine et le mythe car ils sont "ab origine" et éternellement contemporains. Comme le commente M. Eliade "avant qu'une chose n'existe, son temps à elle ne pouvait exister" ou comme l'écrit Saint Augustin s'adressant à Dieu" Le temps n'a pu courir avant que vous eussiez fait le temps". Les mythes, les rites, les symboles, l'espace, le temps forment un complexe global et ces éléments constitutifs sont indissociables de l'expérience individuelle et de la pratique collective du sacré. Ils constituent une condition nécessaire mais non suffisante de la gestion sociale du sacré. Car ces éléments sont constitutifs également de l'anthropologie de l'imaginaire humain et peuvent donc trouver d'autres terrains d'application que le sacré (cf notamment les rites républicains, les mythes sociétaux fondateurs).La désacralisation progressive des sociétés modernes induit parallèlement des tentatives constantes de nouvelle ritualisation et de nouvelle mythification de la vie sociale. Ces tentatives de sacralisation du profane sont néanmoins condamnées à l'échec car elles ne sont pas issues du fait générateur de toute démarche vers le sacré : l'aspiration au Tout Autre. Notre époque , de ce point de vue , semble se spécialiser dans la gestion des ersatz et du simulacre. Néanmoins des tendances très profondes de spiritualisation de la matière (dont l'exposé dépasse le cadre de ce travail) se font jour. Emprunteront elles le temps axial du projet ou celui répétitif du cycle? LES TECHNIQUES D'ACCES AU SACRE On l'a vu , l'approche du sacré repose sur l'idée que l'homme est" relié", qu'il est un élément d'un ensemble autre qui le dépasse et l'intègre et qu'il souhaite au minimum rencontre et au réintégrer. "Comme un morceau de sel jeté dans l'eau s'y dissout, et il n'y a pas moyen de le saisir, mais ou qu'on prélève de l'eau, toujours il y a du sel, de même est ce grand Être infini, illimité, bloc de connaissance. Surgissant de ces éléments, il se résorbe en eux, car il n'est pas de conscience après la mort, je le dis. Ainsi parle Yajnavalkya"[36] Ce besoin de réintégration au "Un" est particulièrement développée par Plotin "Et il n'y a de santé que dans la mesure ou le corps est coordonné en une unité. Et il n'y a de beauté que si la nature de "l'un" domine les parties. Et il n'y a de vertu de l'âme, que si l'âme est unifiée dans "l'un" et dans un unique accord avec elle même.[37] Et encore dans L'Imitation de Jésus Christ(Partie 1, 3) "celui qui trouve Tout dans l'Unité, qui rapporte Tout à l'Unité, peut avoir le cœur stable et demeurer en paix avec Dieu" Lorsque l'homme s'approche du sacré par inadvertance il ressent une telle joie ,une telle force qu'il souhaite renouveler au plus tôt cette expérience et la prolonger. Depuis toujours ,à travers les traditions spirituelles diverses ont été au point des techniques dont la maîtrise assure autant de "raccourcis" précieux pour parvenir au sacré. C'est d'autant plus nécessaire que l'homme à l'état naturel est limité par ses sens. Ses plages d'ouïe, d'odorat, d'entendement sont faibles. Leur extension lui permet de parvenir à des états de conscience "altérée" lui permettant d'accéder au sacré. Malgré la vanité de toute classification dans ce domaine, et surtout la difficulté de séparer l'inséparable (car ces techniques s'entremêlent, s'interpénètrent et se renforcent, il m' a semblé possible de distinguer les techniques du corps, les techniques de l'esprit et les techniques de l'âme. Les techniques du corps Le souffle :à l'origine le "souffle de Dieu tournoyait sur les eaux. ".C'est le souffle divin qui fait le vivant:" Yavhé Dieu lui insuffla dans les narines une haleine de vie et l'homme devint un vivant". Dans la" Prana Upanishad" Prajnati le créateur a crée un couple :abondance (rayi) et souffle de vie (prana) .Le premier représente les biens terrestres et le souffle de vie est le feu, la meilleure des énergies. A chaque fonction correspond un souffle: il y a le souffle descendant qui est établi dans l'anus et les organes génitaux; le souffle ascendant et attribué à l'œil, l'oreille, la bouche et le nez, et le souffle égalisateur dirige la nourriture offerte mais aussi régularise l'inspiration et l'expiration. Il existe en outre un souffle diffus qui circule dans le corps et dans le cosmos.[38] Le travail sur la respiration est une des bases du yoga et la concentration sur la respiration une base méditative dans la tradition orientale. Le rythme du corps est rythmé par l'inspir et l'expir. Le chant prolonge naturellement par ses effets vibratoires la mise en harmonie du corps avec l'univers ;qu'il soit grégorien ou bouddhiste tibétain, ses profondes résonances(y compris avec les pierres)[39] modifient la psyché humaine. La posture est un élément clé de circulation de l'énergie; que le travail soit axé sur la posture elle même dans le yoga; ou qu'elle accompagne un rituel comme la messe catholique(les différentes positons du corps: debout, assis, agenouillé).La posture place l'homme en correspondance harmonique avec la circulation de l'énergie. Malheureusement l'occident moderne semble être absent de son corps et en avoir perdu le message; peut être est ce la raison de sa frénésie de gymnastique corporelle narcissique. Le prolongement naturel de la posture est le fait des disciplines de mobilisation de l'énergie corporelle(comme le Tai Chi Chuan ou le Qui Kong) et les arts martiaux [40]. La danse sacrée est un prolongement naturel de la posture et constitue chez les Balinais ou les Soufis un symbolisme en mouvement.(a tel point qu'il y a toujours dans la danse profane classique ou contemporaine une nostalgie du sacré). Le Jeune appartient à toutes les traditions spirituelles qui ont fait de la mortification du corps une porte d'accès au sacré. Pour Saint Augustin "la nécessaire privation du riche deviendra l'abondance nécessaire du pauvre" Le jeune se pratique chez les chrétiens[41], les Hindouistes, les indiens d'Amérique et se retrouvent sans doute sous des formes profanées dans le désir permanent de minceur de nos contemporains conjointe à un besoin profane d'immortalité. Ne pas manger pendant quelques jours et observer son corps réagir reste néanmoins un acte fort de maîtrise de l'esprit. Dompter le corps pour maîtriser l'âme fait partie des techniques d'ascèse fondamentales incluant la chasteté et pouvant aller sous certaines formes jusqu'à la contention du corps (auto flagellation, port du cilice) dont la forme ultime est l'auto stigmatisation. L'amour physique est une technique d'accès au sacré que l'on rencontre particulièrement dans l'occident pré-chrétien et en orient. Son exaltation technique correspond à la volonté de reconstituer le soi réunifié et l'androgyne primordial. Le Taoïsme en Chine et le Tantrisme de l'Inde du Nord sont les disciplines ésotériques les mieux connues parmi celles qui font de la sexualité un véhicule vers la transcendance individuelle. Il faut noter que La Kabbale, se référant à l'Adam primordial enseigne comme Freud, la polarité sexuelle, ou si l'on préfère la bisexualité de tout homme et de toute femme par delà ses différences anatomiques. Pour l'alchimie une des étapes du grand œuvre passe par "le bain du roi et de la reine" c'est à dire par l'unification de la polarité de sexuelle. En occident le sexe réprimé depuis les pères de l'église ('4° et 5° siècle) émerge d'une longue nuit de la culpabilité pour se jeter dans celle de la pornographie qui est la forme dégradée par excellence de la sexualité sacrée. La glorification du travail en revanche est fortement occidentalisée. C'est le travail du dieu créateur qui est continué dans les champs par les paysans et dans les constructions par le labeur des ouvriers et des maçons. Cette mythification du travail se retrouvera jusque dans les doctrines païennes comme le socialisme soviétique ou le national socialisme. La ritualisation de sa pratique recevra sa forme la plus achevée dans le compagnonnage au plan opératif et la franc maçonnerie au plan symbolique. Les techniques de l'esprit L'atteinte du "connais toi toi-même et tu connaîtras les dieux" inscrit au fronton du Temple de Delphes implique la mise en ouvre de différentes techniques maïeutiques ou introspectives qui conduisent à la méditation et à la pratique du silence c'est à dire à l'écoute de soi et des autres.. L' homme est un résumé de la nature, microcosme fidèle reproduction du macrocosme: connaître l'homme c'est comprendre Dieu.[42] Les techniques d'écoute supposent presque toutes la présence d'un guide (maître, thérapeute individuel, maître collectif) qui agit comme un miroir réflexif, (mais le rapport technique au maître et au psychothérapeute seront très différents),l'auto-analyse (dont la validité est souvent contestée) demeurant une pratique très exigeante. La lecture du texte sacré(et son commentaire exotérique ou ésotérique)est la base de nombreuses traditions notamment hébraïque, islamique et bouddhiste car le les religons du livre ne sont pas propres aus religions révélées (l'église catholique se réservant elle pendant des siècles le soin d'interpréter ce que les fidèles devaient retenir). La méditation, (qui peut être sans objet pour les pratiquants Zen ou Chan ou analytique dans le cas de la méditation sur un symbole par exemple dans la tradition Tibétaine)et la visualisation créative sont souvent à la base de techniques de régression(dans le passé, dans des vies autres)ou de techniques projectives(sur des animaux totems)basées sur le lacher-prise (accompagnées dans de nombreuses civilisations traditionnelles par la consommation de drogues psychotropes).Le rêve "permet à l'homme d'échapper aux conditions limitatives auxquelles il est soumis dans sa réalité corporelle"[43]notamment dans certaines traditions qui permettent de séparer le corps astral du corps physique et du corps ethérique. La sortie du corps s'appréhende comme l'accès à un autre espace et temps et n' a donc e ce point de vue rien de très surprenant. Enfin la voyance repose souvent sur des techniques( osselets, tarots, Yi King) de révélation de la personnalité de celui qui les met en œuvre. Le nombre : "Que nul n'entre ici s'il n'est géomètre "figurait au fronton de l'Académie. La connaissance, la mesure des choses sont étroitement liées la connaissance du monde et donc de soi-même. La mesure n'est pas une simple volonté pratique d'ordonnancement et de maîtrise d e la matière. Car si chaque nombre est une mesure de l'univers, il est d'une part en correspondance avec celui-ci et il est d'autre part une essence en lui-même. Dans de longs développements dans le "Timée" Platon a développé ces rapports analogiques entre la nature et les nombres( un ,deux, trois, quatre) "Dieu commençant la construction du corps du Monde a débuté pour le former par prendre du feu et de la terre .Mais que deux termes forment seuls une belle composition, cela n'est pas possible sans une troisième...or de toutes les liaisons, la plus belle est est celle qui se donne à elle-même et aux termes qu'elle unit l'unité la plus complète; etc..." [44]Pythagore fait de l'Unité', non seulement le premier nombre que l'on peut ensuit redoubler pour obtenir une sériation infinie, mais le symbole même de la totalité parfaite, à l'intérieur de laquelle on peut retrouver par divisions successives, les innombrables formes du multiple.[45] L'arithmétique sacrée trouve une application particulière dans l'arbre Sephirothique de la Kabbale qui va induire toute une vison interprétative du monde et de la Bible à travers les nombres. C'est l'archétype de l'herméneutique arithmosophique. Cette gestion des nombres a une influence directe sur la construction des mythes sacrés mais aussi sur les configurations profanes(Cf les rapports entre le nombre d'or et l'architecture).Un des nombres nous l'avons vu qui se prête le plus à ces constructions est le Trois car comme l'indique Lao Tseu dans le Tao Te King "le Trois engendre toutes choses. De toutes choses l'envers est l'obscur. Toutes choses tendent vers la Lumière. Et le flux de force leur donne l'harmonie." La gestion du nombre Trois dans un rite peut -être illustrée par le rite mortuaire en vigueur dans la Corée du 14°siécle(royaume de Chosun) .Dans les familles ordinaires, le mort était disposé sur une planche décorée des sept étoiles de la Grande Ourse (influences taoïstes et chamanistes) recouvert d'un linceul et enterré le troisième jour. Chez les riches, on attendait trois fois trois jour et chez les hauts dignitaires jusqu'à trois mois. Quand à la famille royale ,un délai de trois ans lui permettait de choisir la date le plus favorable. Mais quelle que soit son origine sociale le défunt avait trois âmes ayant chacune sa fonction. En attendant les funérailles, le corps était placé devant un autel improvisé sur lequel était déposé trois bols de riz, trois portions de légumes et trois paires de sandales de pailles. Lorsque le défunt était conduit à sa tombe, une cérémonie marquait la séparation des âmes: la première demeurait sous la protection de Sanshin, le dieu de la montagne, la deuxième devait répondre des acte de la vie terrestre devant les dix juges du tribunal bouddhique et la troisième revenait au foyer. Symbolisée par une tablette portant le nom du défunt, elle était cérémonieusement installée sur l'autel familial ou, pendant trois ans , elle allait être l'objet d'un culte particulier. De nos jours la loi Coréenne exige que les défunts soient inhumés dans les trois jours. Mais pour le reste les choses ont peu changé .Pendant tris mois la maîtresse de maison doit présenter au mort ses plats préférés avant tout autre invité. Les bouddhistes vont tous les sept jours pendant quarante neuf jours implorer la clémence des juges du tribunal et les fils et petits fils se réunissent pour des cérémonies à chaque anniversaire de la mort des huit ancêtres qui les ont précédés.[46] L'art et notamment la poésie, langage des dieux, et la musique ont toujours été des guides d'accompagnement du sacré. Leur mode d'action est proche de la pensée symbolique, analogique et fait appel à une large palette des sens élargissant le spectre du raisonnement hypothetico déductif. Ces différentes techniques sont habituellement intégrées dans une démarche spirituelle complète. Un des grands dangers actuels de différents mouvements occidentaux est de proposer à nos contemporains un accès à ces techniques en les coupant du contexte traditionnel qui leur sert de support. C'est confondre une fois encore le moyen et la fin. Ces pratiques dévoyées sont la plupart du temps inefficaces et parfois dangereuses tant pour l'équilibre spirituel que psychique des intéressés. Le critère de validité d'une technique, aussi ésotérique qu'elle puisse paraître, me semble être son indubitable appartenance à une tradition spirituelle établie dans laquelle les transissions initiatiques codifiées s'effectuent de manière régulière. Ce critère écarte de nombreux mouvements spontanés à caractère plus ou moins sectaire ou des gourous douteux n'ayant eu ni la capacité de recevoir une transmission établie ni à fortiori celle d'en conférer une. Les techniques de l'âme Le don est propre à toutes les traditions. C'est une voie plus qu'une technique.. Elle transcende toutes les catégories et constitue la voie rapide de l'oubli de Soi. Qu'elle soit charité chrétienne ou compassion bouddhiste, elle est la voie privilégiée à travers l'autre d'accès au Tout Autre. Bibliographie [1] "Sacré ,symbole, créativité "Jacques Vidal (Homo religous/Louvain/1990° [2] Homère "L'Illiade" chant 7 Rite d'incinération de Patrocle par Achille [3] Sur les rituels funèbres cf "Le sens caché des rites mortuaires" Jean Pierre Bayard /Dangles/1993 [4] Georges Dumezil "L'idéologie tripartite des indo-européens" Bruxelles 1958 [5] Ce paragraphe sur l'histoire du sacré a été rédigé à partir de notes prises par le rédacteur lors d'un cours dispensé par Dominique de Courcelles à la Faculté Catholique de Paris dans le cadre de l'Institut d'Histoire Comparée des Religions en 1994 "Les sciences sociales et le phénomène religieux". [6] "Les éléments composant le récit mythique comptent plus que le contenu même du mythe" in "La pensée sauvage" [7] Mircea Eliade "Le sacré et le profane" Gallimard [8] Dans "Le desert intérieur"(Albin Michel 1983)celle ci évacue le sacré comme catégorie intermédiaire, soupçonné d'idolâtrie, pour laisser l'homme en face à face mystique avec Dieu. [9] Maïtre Eckardt "Traité du detachement" [10] a opposer à Descartes qui affirmait "le néant n'a pas de propriétés" [11] Jean Chevalier introduction au "dictionnaire des symboles "Laffont [12] Gilbert Durand in "L'imagination symbolique" [13] Mica Eliade "Traité d'histoire des religions" [14] Paul Ricoeur "le conflit des interprétations" (Seuil Paris) [15] Cf. le symbolisme du Pont chez René Guénon « Symboles de la science sacrée » Gallimard. [16] Revue "Nouvelles clés" Printemps 98 [17] "Ils bâtissaient leur mur avec des pierres mais ils ne voyaient pas que chacun de leurs gestes pour poser la pierre dans le mortier était accompagné d'une ombre de geste qui posait une ombre de pierre dans une ombre de mortier; et c'est la bâtisse d'ombre qui compte" Jean Giono "Le serpent d'etoiles" [18] René GUENON dans « la crise de monde moderne » (gallimard/1946) apparaît comme un précurseur de ce point de vue des analyses critiques tant de H. Marcuse « l’homme unidimensionnel » que de G. Debord « La société du spectacle » (Buchet castel/1967) ou de R. Vaneigem « Traité de savoir-vivre à l’usage des jeunes générations » (Gallimard 1967). [19] a opposer à "profanum" qui est l'abord du Temple [20] In "Le sacré et le Profane" Mirca Eliade. Collect. Folios : Gallimard pages 27 et suiv. [21] Et aussi souvent un sacrifice fondateur qui sépare le sacré du profane (Cf "sacer "racine étymologique du Sacré) [22] Cette tripartition trouve des correspondances analogiques chez Jung ( l'inconscient individuel ou collectif ; le conscient ; le supraconscient) dans les mythologies (les enfers, la terre, les champs Élysées), les religions (l'Enfer, la Terre, Le Paradis) le symbolisme (les racines, le tronc, les branches) [23] in Flavius Joseph" De la guerre des juifs" [24] Cf "Le Temple de l'Homme" Schwaller de Lubicz Dervy et "Le miracle egyptien" Champs: Flammarion page 210 [25] "Brhadâranyaka Upanishad V, 1" [26] In "Antropologie de l'espace" de F Levy et M Segaud collection Alors du Centre G.Pompidou/1983. [27] Cf "Hauts-lieux cosmo-telluriques" de Banche Merz Georg Editeur-Genéve [28] 2° Épître de Pierre 3 8 [29] cf Solange Thierry ,directrice d'études à L'école Pratique des Hautes Études :"Temps de l'Inde et temps Chrétien" http://www.paroles.ch/lire/cert/teps/inde.htm [30] Jacques Attali "Histoire du Temps" Fayard 1982 dans lequel il écrit notamment "les mythe ont aussi pour fonction d'organiser cette répétitivité du temps en le jalonnant de dates sacrificielles, ou les cycles recommencent, ou l'avenir rejoint le passé" [31] Thierry Gaudin"2100 récit du prochain siècle" Payot [32] L'idéogramme chinois signifiant "crise" est l'assemblage d'un idéogramme signifiant "opportunité "et d'un autre signifiant "danger" [33] Philippe Segur "Le pouvoir et le temps/Essai sur le déclin du sacré "Question de -Albin Michel. [34] CF notamment Antoine Faivre "Accès de l'ésotérisme occidental "Gallimard . [35] CF Raymond Abellio dans "La fin de l'ésotérisme" qui situe ces civilisations vers -1500 avant notre ère et au delà [36] "Brhadâranyaka Upanishad V2, 4"trad.Louis Renou. [37] Plotin "Les Enneades" edit. du Cerf 1994.Traité 9.1, 5-25.(page70) [38] CF "Les livres sacrés"Fernand Comte Bordas Page 104 [39] Cf le chant des pierres dans "Rencontre avec des hommes remarquables" de Gurdjieff et le fim qu'en a tiré Peter Brook. [40] Cf "L'art chevaleresque du tir à l'arc dans le Zen" [41] "le jeune peut être pratiqué sous des formes anciennes ou nouvelles, comme signe de conversion, de repentir, et de mortification personnelle, et en même temps d'union avec le Christ crucifié, et de solidarité avec ceux qui ont faim et ceux qui souffrent" Jean Paul 2 "Exhortation à la pénitence" [42] M.H Gobert "Les nombres sacrés et l'origine des religions" Stock Plus. page 39 [43] René Guenon "L'homme et son devenir selon le Vedanta" [44] Platon"Le Timée" Coll.Tel Gallimard page 186 et suivantes [45] Jean Jacques Wunenburger "Le sacré" coll. QSJ N° 1912 page48 [46] relaté par Jacqueline Boyer "En Coréé" Hachette page 83