mardi 13 octobre 2015


 




 
Singapour 1978

Mon amie Thaï au perroquet vert
posé sur l’épaule de soie
verrouille la porte du "Bounty Bar".

La lune glaireuse se maille à la brume.
Deux sampans malais épaulent
leurs fines étraves à un cargo Japonais

Des milliers d'ampoules électrisent la rade jaunâtre
et font bleuir l'eau poisseuse sous la lune.

Une foule d'hommes suspendus dans des carrés
aux peintures écaillées de fumée.
Grecs, Maltais, Indiens, Japonais, Russes.
Têtes  burinées gueulant des jurons inconnus
qui brassent des cartes à jouer grasses sous des regards lourds.

Et le vent de Malaisie inlassablement  balaie le quai
d'une odeur sucrée lourde comme un secret.



Singapour 2017

Singapour glacée climatisée
Bulle pasteurisée translucide
Suspendue aux branches de l’Asie.

Buildings accrochés aux reflets d’un ciel blanc.
Déroulé de verre et d’acier
 figé sur les orchidées ordonnées.

L’énergie  s’écoule lentement sur des tapis roulants
qui glissent vers des sanctuaires de marbre blanc
où officient des marchands chinois aux regards absents.

On ressent une volupté à se laisser couler dans la fluidité;
A devenir soi même un rouage vivant de ce moteur silencieux
qui a fait du monde un supermarché vidé de sang.


Noël Imbert-Bouchard